Dans le coeur de la femme du diable ?

Quel écrivain, plus que le marquis de Sade, est-il plus fantasmé par la légende de son personnage ? Combien d’hommes peuvent se targuer d’être à l’origine d’un adjectif devenu commun dans la langue ? Sade fascine. Ses écrits, mais aussi son histoire. La pièce de théâtre Madame de Sade, de Yukio Mishima, en est un des symptômes.

Sade a passé plusieurs années de sa vie à la Bastille, c’est d’ailleurs durant ces multiples séjours carcéraux que l’écrivain a produit certaines de ses œuvres (Les 120 journées de Sodome, Juliette…). Sa femme, Renée, l’aura attendu pendant tout ce temps, malgré le scandale et la possibilité qu’elle avait de se libérer de ses engagements. Pourtant, à sa libération, Renée ferme la porte à son mari.

C’est cette curieuse attitude qui fait naître la curiosité de Yukio Mishima ; il écrit alors une pièce en trois actes situés à des espaces temporels différents, et où évoluent les sentiments bien souvent incompréhensibles de Renée à l’égard de Donatien.

Au milieu du drame familial (l’intrigue amoureuse révélée entre le marquis et Anne, la sœur de Renée) et du fond politico-historique (la révolution française est en marche), c’est le mouvement de la vie intérieure d’une femme à l’amour inconcevable qui est ici en jeu.

Là où la Baronne de Simiane et la comtesse de Saint-Fond occupent respectivement la place du petit ange et du petit diable, c’est surtout dans le dialogue entre Renée et sa mère que se joue l’intrigue. Par-delà toute morale et par-delà toute raison, ce sentiment obscur de Renée pour Sade demeure, et érige à terme le marquis en un monstre conquérant, terrifiant, mais diablement fascinant.

A la fin, la porte fermée au marquis revenu, la question persiste ; de qui, dans le marquis de Sade, Renée est-elle éperdue ? De l’homme ou du fantasme ? A nous aujourd’hui, qui ne connaissons du marquis que la légende, d’en décider…

La pièce du dramaturge japonais a été traduite en français par André Pieyre de Mandiargues.

Texte et illustration : Charlie PLES.

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