Regardez-nous danser : un roman ample et percutant

Avec Regardez-nous danser, deuxième volet de la trilogie « Le pays des autres », Leïla Slimani poursuit son ambitieuse saga familiale ancrée dans l’histoire du Maroc. Un tome plus dense et maîtrisé que le précédent. 

Dans Le pays des autres (2020), les lecteurs découvraient Mathilde et Amine, un couple mixte dans le Maroc de l’après seconde guerre mondiale. Après leur rencontre en France, ils s’installent dans la famille d’Amine à Meknès au sein d’une ferme isolée. Déracinée de son Alsace natale, Mathilde se sent comme une étrangère dans ce nouveau pays, sous le joug de la domination coloniale. On retrouve les protagonistes de cette famille dans Regardez-nous danser. Ils se sont enrichis grâce à l’exploitation agricole d’Amine et appartiennent maintenant à la bourgeoisie marocaine. L’ivresse et une atmosphère de fête gagnent l’élite du pays après l’indépendance de 1956.

Meilleur que le premier tome, dans lequel les problématiques autour de l’identité et du choc culturel étaient un brin  attendues, Regardez-nous danser explore plus de thèmes.

Ce deuxième volet met en scène plus de personnages, notamment les enfants d’Amine et de Mathilde : Aïcha, qui part à Strasbourg étudier la médecine; et Selim, jeune lycéen qui aimante les filles de Meknès. En outre, le destin tragique de Mehdi – inspiré par le père de l’autrice – , un « Karl Marx » révolutionnaire qui va entraîner sa chute en gravitant autour des cercles du pouvoir politique marocain, est particulièrement émouvant.

Des personnages denses et complexes

Il ne s’agit pas d’un ouvrage historique didactique. Les éléments historiques et sociaux (répression sous Hassan II durant les années de plomb, émergence du mouvement hippie) sont en toile de fond du récit et ne viennent pas l’alourdir artificiellement. Ce qui intéresse le plus Leïla Slimani, ce sont avant tout ses personnages, denses et complexes, ses êtres de papier qui donnent corps à son récit, servi par une plume fluide et parfois lyrique et sensuelle.

Une réflexion nuancée sur la question de l’identité

Leïla Slimani déjoue habilement les écueils du roman « des origines » qu’on attendrait d’une franco-marocaine. Elle propose une réflexion nuancée sur l’identité, en convoquant le poète Edouard Glissant : les identités ne sont pas figées, sclérosées, mais en mouvement permanent. Une définition universelle de la littérature. 

Ismaël EL BOU – COTTEREAU.

Regardez-nous danser, Le pays des autres 2 (février 2022), éditions Gallimard (370 pages).

 

 

 

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