Larcenet et ses nuances de sombre

Avec sa nouvelle BD, La Route, Manu Larcenet signe un nouveau chef-d’œuvre dans la droite lignée de Blast (2009 – 2014), et du Rapport de Brodeck (2015 – 2016), sa première adaptation de roman. Une proximité qui n’est sans doute pas hasardeuse. Et si ces trois piliers de son œuvre formaient un ensemble ?

Une bluffante apogée graphique

Manu Larcenet est reconnu aujourd’hui comme un des grands noms de la BD française, parce qu’il a su toucher à tous les styles. Chaque album publié témoigne d’un progrès, jusqu’à atteindre aujourd’hui avec son adaptation du roman La Route (The Road) de Cormac McCarthy, une bluffante apogée graphique.

« Il faut qu’on puisse lire les dessins comme on lirait des textes », expliquait le dessinateur dans La Grande Librairie, le 28 mars 2024. Et en effet, la parole se fait discrète dans La Route, c’est l’image toute entière qui parle : ces visages si particuliers, à la fois esquissés et profondément expressifs, la prolifération délirante des plis et des ombres, la suffocation dans la cendre qui recouvre tout, de gris, de flou.

Une maîtrise parcimonieuse des couleurs sombres

Larcenet a atteint une maîtrise de la noirceur dont le parcours naît avec Blast, et se prolonge avec Le Rapport de Brodeck. Il est en effet possible de voir dans ces trois œuvres un triptyque, tant les ambiances graphiques se rapprochent, tout en témoignant d’une évolution certaine. Des nuances de gris de Blast, au pur noir et blanc de Brodeck, jusqu’à la maîtrise parcimonieuse des tons de couleurs sombres dans La Route.

De plus, les trois personnages de Polza Mancini, Brodeck, et du père, semblent trois versions d’une même figure, une sorte d’autoportrait où Larcenet se dépeint dans toute sa noirceur, son pessimisme et son spleen qu’il ne cesse de mettre en avant. D’ailleurs, ces trois personnages partagent des caractéristiques physiques frappantes avec ses autoportraits qu’il dessine sur Instagram, ou dans Thérapie de groupe.

Ce potentiel triptyque serait donc une variation sur le thème de l’errance et du monstre humain, qui obsède Larcenet en train de constituer une colossale Œuvre au noir, qui à coup sûr marquera l’histoire de la bande dessinée.

Texte et illustration : Charlie PLÈS.

La Route, par Manu Larcenet, est sorti le 29 mars 2024 aux éditions Dargaud. 160 pages.

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