Kery James répond aux questions de jeunes du Mans

Mercredi 8 mai 2025, entre deux représentations de sa nouvelle pièce, « À huis clos », Kery James a offert un moment privilégié à une trentaine de jeunes au théâtre des Quinconces, scène nationale du Mans. Pendant une quarantaine de minutes, l’artiste aux multiples facettes (rappeur, réalisateur, acteur, scénariste, producteur) a répondu à leurs questions pour évoquer son rapport à l’art et ses engagements. 

« À une époque, il était difficile d’imaginer que des personnes de mon profil pouvaient jouer dans des pièces de théâtre »

Comment êtes-vous passé du rap au théâtre ?
J’en avais envie et j’ai eu l’audace de le faire. Si j’avais écouté les gens autour de moi, je ne serais jamais devenu acteur, ni scénariste. Lorsqu’on est auteur dans la musique, nous le sommes aussi au cinéma ou dans le théâtre. Il s’agit toujours de raconter une histoire.

« Mon nouvel album s’intitulera R.AP : Résistance, Amour, Poésie »

Lorsque vous êtes devenu metteur en scène, avez-vous été rapidement pris au sérieux ?
En France, nous avons tendance à mettre les gens dans des cases. Par exemple, un acteur comique doit faire de la comédie pour ne pas être discrédité. Pour mon premier long-métrage (Banlieusards), j’ai rencontré des obstacles, j’ai galéré pour trouver un diffuseur. 

« Pour moi, il n’y a pas de rap engagé. C’est tout simplement du rap. Je l’ai toujours connu comme ça »

Quel regard portez-vous sur le rap actuel ?
Je me demande si on peut encore appeler ça du « rap ». Aujourd’hui, je qualifierais cela de variété française. Les morceaux manquent de profondeur et font l’apologie du mal et peuvent avoir une mauvaise influence. Ces chanteurs ne parlent que d’argent, comme si c’était le but ultime. Ils étalent leur soi-disant richesse ou glorifient la violence. Les rappeurs que vous écoutez disent l’inverse de ce que vos parents cherchent à vous inculquer en termes de valeurs.

« Dans le milieu de la musique, la censure se fait de manière insidieuse »

Avez-vous déjà subi la censure dans l’industrie musicale ?
J’ai toujours fait du rap pour dire des choses comme le faisaient nos grands frères. Pour moi, il n’est pas possible de faire du rap sans porter un message, sans s’engager. C’est vrai qu’il y a beaucoup de censure dans ce milieu. Mais en France, elle opère de manière sournoise. On ne te le dit jamais directement, mais on te fait comprendre qu’on n’apprécie pas ce que tu dis.

« Avec mon association ACES (Apprendre, Comprendre, Entreprendre et Servir), nous proposons des bourses à des jeunes pour les aider à financer leurs études supérieures »

« Je n’ai jamais fait de concessions sur le plan artistique »

En 2009, à la sortie de mon album Réel, j’étais premier du Top albums, et pourtant, je n’ai reçu aucune nomination dans ce qu’ils appellent les « Victoires de la Musique ». Autre exemple, Laurent Bouneau, directeur des programmes de la radio Skyrock, était très influent dans le rap à l’époque. Il pouvait tout dicter : quel morceau mettre en single, changer le refrain, le titre des morceaux…Ces agissements poussent certains artistes à changer leur discours, à s’adapter et à s’auto-censurer. Pour ma part, j’ai toujours refusé de faire des compromis.

« Hier soir, au Mans, j’ai ressenti une atmosphère particulière »

Qu’avez-vous ressenti lors de la standing ovation à la fin de votre prestation, mardi soir, au théâtre des Quinconces ?
Il y a évidemment une émotion particulière. Mais sans faire de fausse modestie, jusqu’ici, le public s’est toujours levé, car ce spectacle ne laisse pas indifférent. Mais c’est vrai qu’hier soir, au Mans, j’ai ressenti quelque chose de particulier. En général, nous revenons trois fois pour saluer le public, et là, nous sommes revenus une quatrième fois. C’était particulièrement intense.

Propos recueillis par Lindsay BELASSE et Alban MARTIN
(avec la complicité des ados du service jeunesse du Mans et des membres de La Tribu)
Photos : Mamadi Sangaré.

Lire également : rencontre entre Kery James et 200 jeunes au Mans (2023) et Kery James (Mélancolique Tour au théâtre des Quinconces (2021).

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *