A l’opposé des discours dénonçant une jeunesse insouciante et déconnectée, le témoignage de Mattéo*, 18 ans, sur sa première année de fac interpelle. De sa voix douce et assurée, il partage un regard mature et emprunt de gravité sur notre époque.
Je rêvais d’un autre monde…
Pour se construire, il faut des repères. Pour avancer, il faut être entouré. Deux choses qui ont fait défaut à Mattéo comme à ses camarades pour leurs débuts à l’université. C’est à visage masqué qu’ils ont dû avancer cette année. Difficile de créer des amitiés dans ces conditions. A la fin de cette première année, il reste… les amis du lycée.
« L’image qu’on se fait de la vie étudiante, on peut la jeter à la poubelle. Dès que tu veux entreprendre quelque chose de social, de collectif, tu dois culpabiliser ».
En cette période de partiels, Mattéo s’accroche pour valider la L1 tout en espérant connaître à l’avenir une vie étudiante plus épanouie. Surtout, il espère reprendre vraiment le théâtre.
Viiiivre pour le meilleur
Les adultes pensent qu’à 18 ans on est encore un gosse, qu’on a toute la vie devant soi… Et c’est vrai. Mais cela n’empêche pas d’être lucide. La vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants ? Mattéo livre la sienne : « Malgré cette crise, j’observe un manque de prise de conscience chez beaucoup. Les gens attendent que l’épidémie s’arrête et espèrent le retour à ce qu’ils appellent « le monde d’avant ». Mais il est mort il y a longtemps ».
Pour le jeune étudiant, il y a urgence. Construire le monde de demain ne peut plus attendre. En disant ces maux, sa voix se noue. L’angoisse de cette jeunesse qui sait, qui sent ce qui va arriver et qui a peur, se dévoile. « J’ai l’impression que ce n’est pas une bonne époque pour penser l’avenir. Je n’y vois que du conflit ».
Le risque de conflit entre générations existe
Hyper connectée, hyper informée : la génération de Mattéo reçoit des alertes incessantes des tragédies qu’éprouvent notre monde. Le climat, l’environnement, les inégalités, les tensions géopolitiques… les jeunes se saisissent des enjeux que « les adultes » sont incapables d’affronter réellement. Mais cela a un prix : celui de la rancœur. Mattéo a conscience qu’elle n’est pas constructive. Mais le risque de conflit entre générations est une réalité : « Je commence à développer une haine du vieux qui s’en fout du monde qui va mal ».
On dit parfois que les études sont les plus belles années d’une vie. Pour Mattéo, cette année se conclut comme elle a commencé : « sans repères et sans aucune certitude ». Lorsqu’on lui demande si cela est fatigant, sa réponse déconcerte tant elle est évidente : « Oui, c’est fatigant moralement, mais je n’ai jamais connu autre chose. Du coup, je ne peux pas dire qu’il y a mieux ou qu’il y a pire. Je pourrais simplement dire qu’on s’y fait ».
Malgré tout, il le dit, connaître autre chose, « ça pourrait être bien ». Mattéo semble inquiet, éprouvé. Mais aujourd’hui, ce qui est plus fort que tout, c’est sa soif de vivre.
Propos recueillis par : Adham BNIBOURK.
Photos : Adham BNIBOURK.
Lire également la partie 1 du témoignage : https://www.vitav.fr/personne-netait-prepare-un-etudiant-temoigne-1-2/
*prénom d’emprunt.