Le pantalon aux motifs colorés, les Converses bientôt à bout de souffle, le sac à dos sous le coude… pas de doute, c’est un étudiant. Pourtant, lorsque Mattéo* accepte de se livrer sur sa première année de fac, le contraste est saisissant : de sa voix douce et assurée, il partage un regard mature et emprunt de gravité sur notre époque.
« Me retrouver seul dans le silence total a été un cap difficile »
« Je veux être heureux dans la vie » : dès ses premiers mots, l’ironie se mêle à la profonde sincérité, comme si ce projet de vie était devenu ridicule de nos jours. À 18 ans, ce natif de La Rochelle a atterri au Mans presque par erreur, la faute à cette fichue épidémie.
Passionné de théâtre, il rêve de rejoindre le Cours Florent à Bordeaux après le bac, mais en 2020, les auditions sont décalées d’avril à août. Pour assurer ses arrières, il postule aussi à la fac du Mans, en licence d’acoustique, un cursus renommé dans lequel il est pris. Lorsque les résultats de Bordeaux tombent enfin, les portes du Cours Florent s’ouvrent également à lui, mais trop tard… Ses parents ont décidé : il s’installe au Mans.
Le virus s’invite dans la partition
L’acoustique, c’est avant tout des maths et de la physique. Malgré son bac S, ce ne sont pas les points forts de Mattéo. Heureusement, comme bon nombre de ses camarades, sa pratique des instruments de musique (piano, basse, batterie et la MAO**) donne du sens aux cours.
Mattéo s’accroche et les moments où il est sur les planches l’aident : il s’est inscrit à l’Atum, l’association de théâtre de la fac. Les quelques heures hebdomadaires prodiguent des moments de respiration nécessaires, bien que cela ne suffise pas à Mattéo. Mais avec le deuxième confinement en novembre, le projet de spectacle de fin d’année est annulé, la saison stoppée.
Un air de déjà vu
Le constat de Mattéo est clair : « personne n’est préparé aux cours à distance ». Lui qui a passé ses trois années de lycée en internat se retrouve désormais seul la journée devant son écran. « J’étais très attaché à l’autre, il y avait tout le temps de l’activité autour de moi. Me retrouver seul dans le silence total, ça a été un cap difficile à passer ».
Dans une promo où beaucoup ont plié bagage en novembre, Mattéo, lui, n’a pas souhaité rentrer chez ses parents. Mais le paradoxe du distanciel, c’est qu’il faut « juste » du Wifi, alors il a quand même bougé : « C’était un besoin vital. Je n’aurais pas tenu sans cela et sans mes potes pour m’aider et me soutenir ».
L’incertitude du lendemain demande plus de motivation
Lorsqu’il a pu revenir en classe, il a eu davantage de cours en présentiel que la moyenne des étudiants : un privilège dont il a conscience. Mais l’incertitude du lendemain, avec des informations contradictoires données par l’université, demande encore plus de motivation : à quoi bon s’accrocher, quand tout peut être annulé au dernier moment ? Témoignage à suivre.
Propos recueillis par : Adham BNIBOURK.
Photos : Adham Bnibourk.
*prénom d’emprunt.
**MAO = Musique Assistée par Ordinateur.