Maurice Blanchot (1907-2003) est principalement connu pour son œuvre Thomas l’Obscur, qui a fait l’objet d’une réécriture consistant simplement en la disparition de deux tiers du texte. Cependant, c’est d’un autre de ses romans dont il est question ici ; Celui qui ne m’accompagnait pas, ou le roman de l’écriture.
Maurice Blanchot est de ces écrivains qui se sont adonnés autant à la pratique qu’à la théorie de l’écriture. Blanchot avait une écriture très réfléchie, comme on peut le deviner dans ses essais Le livre à venir ou L’espace littéraire. Il a donc naturellement penché vers la métatextualité dans ses romans, et Celui qui ne m’accompagnait pas en est le meilleur exemple.
Il s’agit d’un récit étrange, produit par un narrateur non nommé, qui s’entretient avec un autre dont on sait peu de choses, et dont les intentions sont très obscures. Il n’y a pas réellement d’action ; seulement l’expérience continue et troublante de ce narrateur qui s’adresse à une voix incompréhensible, qui rappelle par moments L’Innommable de Beckett.
Si l’on comprend assez vite qu’il s’agit d’une projection fictive de l’acte créateur de Blanchot incarné par ces deux acteurs (très schématiquement, supposons le conscient et l’inconscient), le propos en détails de l’œuvre reste très obscur. En effet, Maurice Blanchot n’essaye pas vraiment de se faire comprendre, et la question de la réception de ses textes n’a jamais été son principal souci.
Maurice Blanchot est un écrivain de l’intimité avec le langage, chacun de ses écrits témoigne d’une rencontre en face-à-face entre un homme et le langage qu’il vit sans contrôle. L’écriture devient pour lui de l’ordre de l’expérience du réel, un phénomène qu’il appelle « expérience-limite », et qui n’est pas sans similitude avec « l’expérience intérieure » de son ami Georges Bataille, ou bien encore « l’espace du dedans » de Michaux.
À lire comme dans un rêve éveillé.
Texte et illustration : Charlie PLES.