Prix Goncourt 2021, La Plus secrète mémoire des hommes (2021) est le quatrième roman de Mohamed Mbougar Sarr, qui avait déjà fait ses preuves avec De purs hommes (2018) et Silence du chœur (2017), mais qui atteint son apogée avec ce roman total, qui mélange fiction fantastique, manifeste de la reconnaissance intellectuelle, et essai sur l’essence de la littérature.
Le personnage de Diégane Latyre Faye n’est pas sans rappeler son auteur : écrivain francophone d’origine sénégalaise, il peine à s’imposer parmi l’intelligentsia française où règne toujours un racisme plus ou moins latent. Ce dont a particulièrement souffert T.C. Elimane, écrivain mystérieux et disparu, auteur du Labyrinthe de l’inhumain, et sur les traces duquel se lance Diégane.
Un chef-d’œuvre de Mbougar Sarr
La Plus secrète mémoire des hommes parle donc de la réception des écrivains étrangers en France, et de leur difficulté à être reconnus en tant qu’écrivains. Mais s’arrêter à cela, c’est passer à côté de ce chef-d’œuvre de Mbougar Sarr.
Condition sociale et empirique de l’écrivain, mystère de l’œuvre littéraire
Car ce discours politique s’inscrit dans le récit beaucoup plus intimiste de l’expérience littéraire, avec cette figure du Livre mallarméen, « le bibliocide », le Livre qui contient tous les livres, qui fascine Diégane, et qui donne à son auteur T.C. Elimane l’aura d’un être quasi-divin, mais obscur, une sorte de croque-mitaine.
Le fantastique ne cesse de faiblir et de grandir dans un jeu de miroirs
T.C. Elimane n’apparaît qu’à travers les récits des différents personnages, et c’est ainsi qu’il devient aussi mythique que son livre, et que sa présence tangue du monstre inquiétant, à l’éternel enfant égaré. Le fantastique ne cesse de faiblir et de grandir à nouveau, dans un jeu de miroirs, un labyrinthe métafictionnel, une pluralité des voix narratives, qui entraîne le lecteur dans le véritable Labyrinthe de l’inhumain, l’œuvre en quête d’elle-même.
« Il faut faire comme si la littérature était la chose la plus importante sur terre »
Condition sociale et empirique de l’écrivain, mystère de l’œuvre littéraire, tremblement de l’être mis en récits… Mbougar Sarr a condensé en 450 pages les principales réflexions que se posent la littérature.
Retenons au moins cette phrase capitale : « Il faut faire comme si la littérature était la chose la plus importante sur terre ; il se pourrait parfois, rarement mais tout de même, que ce soit le cas et que certains doivent en attester. »
Texte et illustration : Charlie PLES.
La Plus Secrète Mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr (Philippe Rey /Jimsaan/461 pages).