Dans notre société, vérité et mensonge sont souvent entremêlés. La loi de Brandolini prend forme dans cette difficulté à les différencier. Laurent Vercueil, neurologue hospitalier au CHU Grenoble Alpes (Isère) et chercheur à l’Institut des Neurosciences, a accepté de se confier à Vitav sur ce sujet.
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est la loi de Brandolini ?
C’est un phénomène qui explique qu’il faut plus d’énergie pour démontrer qu’une information est fausse que pour la produire ; on peut aussi l’appeler l’asymétrie du baratin. Elle rentre en corrélation avec un autre phénomène appelé le « principe d’inversion de la charge de la preuve », qui explique que pour le grand public, la personne qui conteste l’affirmation doit apporter des preuves que cette dernière est fausse.
« Ma parution date d’avant la crise sanitaire du Covid-19 »
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire sur ce sujet ?
Je m’intéressais à la mécanique du bullshit* et à comment ce dernier se crée. Comment est élaboré un baratin et quels sont les moyens de lutter contre celui-ci. Ma parution date d’avant le covid-19, donc ce n’est pas ce qui m’a motivé à écrire sur ce sujet, même si nous avons pu observer une explosion de fausses informations durant cette période.
« C’est une crise de confiance. Pour lutter contre cette perte de confiance, il faut être honnête envers soi-même et les autres »
Pensez-vous que cette théorie explique l’augmentation du nombre de fake news ?
Je ne pense pas que les gens aient réellement conscience de propager des fausses informations. Ce qui est plus inquiétant, c’est qu’ils perdent confiance dans les institutions. Ainsi, les personnes qui tentent de rétablir la vérité et de créer un contre-feu doivent de plus en plus s’investir et finissent par s’épuiser à vouloir démontrer par des preuves que ces informations sont fausses.
« Les réseaux sociaux ont rendu la diffusion d’informations plus rapide et plus importante »
Y a-t-il une solution pour lutter contre la loi de Brandolini ?
Malheureusement, pas vraiment. Il faut trouver un juste équilibre entre, d’un côté, la liberté d’expression de chacun, et, de l’autre, la protection des plus fragiles. Tout le monde peut donner son avis : comment lutter contre les fausses informations sans tomber dans la censure ?
Est-ce que l’existence d’une telle loi n’est pas un peu inquiétante pour l’avenir ?
Cela peut être inquiétant, mais ce n’est pas nouveau. Les réseaux sociaux ont simplement rendu la diffusion d’informations plus rapide et plus importante. Le doute est sûrement la meilleure prévention que l’on peut avoir face à cette situation, mais il ne faut pas douter de tout, car là, on tombe dans le complotisme.
Propos recueillis par Hugo GUILLOIS.
Photo de couverture : Pixabay.
Article sur la loi de Brandolini par Laurent Verceuil: https://www.echosciences-grenoble.fr/communautes/atout-cerveau/articles/la-loi-de-brandolini-ou-le-principe-d-asymetrie-du-baratin-un-defi-pour-les-scientifiques
*La mécanique du bullshit peut se définir comme une sorte d’indifférence à l’égard de la vérité, qui est distincte du mensonge.