Penser le genre à la lumière de la psychanalyse

Dans L’être et le genre, Clotilde Leguil utilise la psychanalyse pour analyser les stéréotypes de genre et leurs impacts sur le sujet. Un essai stimulant et éclairant.

Clotilde Leguil, psychanalyste et philosophe – elle a enseigné au lycée Montesquieu du Mans – , propose une troisième voie pour étudier la question du genre “par-delà la croyance en la nature, par-delà la réduction du genre à une construction sociale”. C’est ce dernier point qu’elle s’attache à interroger. Si elle ne remet pas en cause le fait que le genre est un ensemble de normes et de constructions sociales, elle défend l’idée selon laquelle cette “approche sociologique et politique ne peut entrer dans le détail de la vie d’un sujet”

Dès lors, sous une grille de lecture psychanalytique, le genre n’est pas qu’une norme rigide qui nous emprisonne ; c’est aussi “pour chacun un point opaque dans l’existence”. “Le genre est le lieu d’un questionnement qui ne trouve pas de réponse au niveau des normes sociales”, écrit-elle. Face au déterminisme social, la psychanalyse propose un déterminisme de “l’unique”, comme un “je” contingent s’extirpant d’un “nous” trop englobant et simplificateur. Si le genre est une construction sociale, il ne peut donc pas être inné, encodé dans notre identité. Il est, de fait, hors normes. Dans une perspective lacanienne, c’est au sujet de lui donner une “coloration qui lui ressemble”. 

Clotilde Leguil dénonce une vision erronée de la psychanalyse, qui, selon certains, serait une discipline conservatrice, gardienne des normes de genre. Pourtant, pour Freud et Lacan “être un homme, être une femme ne relève d’aucun programme biologique et culturel”. A rebours de la vision caricaturale d’un Freud à la misogynie crasse, elle rappelle que ce dernier a cru la souffrance des femmes et a dénoncé les normes de son époque – mariage, abstinence – , car elles entraînaient des névroses et une répression de la libido. 

 

Déployant de multiples exemples cinématographiques – Billy Wilder, David Lynch – et littéraires – Edouard Louis -, L’être et le genre est aussi un plaidoyer pour le pouvoir libérateur de la psychanalyse, “un lieu où l’on peut parler de ce que les normes sociales méconnaissent, un lieu qui est précisément l’antithèse de toute soumission à des normes”.  

Ismaël EL BOU – COTTEREAU.

Clotilde Leguil, L’être et le genre, éditions des presses universitaires, 227 pages, 18 euros.

Crédit :© A Prime Group-G.Figuérola.

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