Paru en 2018, Nous étions seulement des enfants est un récit de témoignage de Rachel Jedinak, une rescapée de la Rafle du Vel d’Hiv. Elle préside le comité de Tlemcen, qui se bat depuis la fin des années 1990 pour le souvenir des enfants disparus. La plume de l’autrice nous plonge au cœur d’un évènement tragique à travers sa perspective d’enfant témoin. Un livre révoltant et émouvant.
L’indicible à hauteur d’enfant
Le récit débute par une journée d’été en juin 1939. L’écrivaine dresse le tableau d’une famille ordinaire et du quotidien doux-amer de la petite fille qu’elle était autrefois, refusant d’aller à l’école car les vacances arrivaient à grands pas. Le temps de quelques pages, le lecteur partage la légèreté estivale de Paris avec la narratrice. Cependant, l’ambiance doucereuse chavire lorsque la guerre éclate contre l’Allemagne. Ainsi, l’autrice raconte douloureusement, le départ de son père, Abram Psankiewicz pour la mobilisation générale et l’horreur des alertes à la bombe. Le lecteur est également plongé au temps des premières mesures antisémites. Il est ainsi amené à revivre l’arrestation de Rachel et de sa grande sœur Louise, pour les conduire au Vélodrome d’Hiver le 16 juillet 1942.

La mise au silence de la catastrophe
Une fois au sein de la foule chaotique, la fuite non sans risque des deux jeunes sœurs s’organise sous la demande de leur mère. Le récit retrace non seulement le sacrifice d’une mère, mais également une séparation inexorable. Afin de n’éveiller aucun soupçon, la narratrice adopte le nom de Rolande Sannier. Passant de foyers en foyers, l‘enfant perd peut à peu son identité. Le choc est si violent qu’elle en vient à perdre momentanément la parole. Rachel Jedinak relate la douleur induit par la disparition de ses proches, dans une comparaison sans équivoque : « C’est un manque qui s’est installé avec le temps comme un voile sur les yeux ». Enfin, cette œuvre singulière démontre comment le langage universel de l’enfance à l’épreuve de la guerre et de l’antisémitisme emporte le lecteur dans un témoignage à la fois bouleversant et impérissable.
Caroline KERMEN.
Rachel Jedinak, Nous étions seulement des enfants (2018), 128 pages, éditions Le livre de poche.