Un an après l’annonce de sa récidive d’un cancer du genou et de son amputation, Matthieu Lartot, voix du rubgy et du XV de France sur France Télévisions, a publié un livre (On n’ampute pas le cœur) dans lequel il raconte sa bataille contre la maladie. Le journaliste était invité à l’Abbaye de l’Epau (Sarthe) à l’occasion de l’événement « Voix au Chapitre ». Il est revu sur les étapes de son combat qu’il a mené avec une détermination sans faille. Avant la conférence, il s’est confié aux médias locaux.
« Le plus important, c’est le regard des nôtres »
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans l’écriture de ce récit sur votre combat contre la récidive de votre cancer ?
Je ne ressentais pas le besoin de faire un livre. J’ai reçu beaucoup de sollicitations, mais Sophie Charvanel, directrice des éditions Robert Laffont, a trouvé les mots pour me convaincre. Elle m’a assuré que cet ouvrage pourrait être utile pour les personnes touchées par le cancer ou le handicap. Comme j’avais beaucoup de matière, l’écriture a été naturelle. Cet exercice de vérité m’a permis d’avoir un lien avec toutes les personnes qui m’ont soutenu. Lors des rencontres avec le public, j’ai rapidement réalisé que mon témoignage avait une résonance et qu’il avait créé des liens.
« J’ai mis du temps à accepter mon handicap, j’ai longtemps été dans le déni »
Vous avez reçu 15 000 messages de soutien sur les réseaux après avoir rendu public votre maladie. Comment avez-vous vécu cet élan ?
C’était à la fois touchant et déstabilisant positivement parlant. Je ne m’attendais à une telle vague d’amour et de sympathie. Ces messages m’ont donné du baume au cœur et beaucoup d’énergie pour mener mon combat. Dans le même temps, je rencontrais aussi des personnes en phase terminale. Elles étaient dans la survie, alors que je me battais contre la maladie. Cette situation était difficile à gérer.
« Je vis des moments d’échange et de partage avec le public »
Après la sortie du livre, j’ai reçu des retours positifs des gens rencontrés lors des salons ou des forums. Ils m’ont confié que cet ouvrage était nécessaire. Et lorsque les spectateurs m’acclament dans les stades ou brandissent des pancartes avec mon nom, ça donne des frissons. C’est vertueux et puissant. Je suis conscient que ce que j’ai écrit a du sens.
« Pendant un quart de siècle, je vais vivre enfermé dans cette réalité parallèle, sur ce continent caché à la lisière de deux mondes que composent les valides et les PMR : celui des presque valides ou des presque handicapés moteurs. Un no man’s land où n’existe aucune main tendue ; où personne ne s’imagine qu’une simple marche est pour vous une montagne à gravir ; où lors d’une soirée entre amis, vous souffrez à en crever pendant que la tablée se gondole » (extrait d’On ampute pas le cœur)
Où avez-vous puisé votre force durant ces épreuves difficiles après l’opération ?
Je me suis fixé des objectifs. J’avais adopté la même philosophie lorsque j’ai dû stopper ma carrière de rugbyman à 16 ans après ma tumeur au genou. À l’époque, je m’étais donné comme but de devenir journaliste sportif. Après mon amputation en juin 2023, je m’étais donné comme objectif de commenter la Coupe du Monde de Rugby qui débutait en septembre 2023. Je ne me voyais aps manquer le France-All Black au Stade de France. Le fait de me projeter constituait un véritable moteur et mon esprit était préparé pour ce combat. J’ai relevé le défi grâce à l’investissement des soignants et au soutien sans faille de mes proches et du public. J’ai eu beaucoup de chance par rapport à d’autres malades du cancer qui se retrouvent isolés.
« Plutôt que de courage, je préfère parler de détermination et de résilience. La notion de courage implique un choix »
Quelles leçons tirez-vous de cette aventure humaine ?
J’ai appris à relativiser, j’ai conscience qu’il y a des personnes qui vivent des situations plus difficiles que la mienne. Aujourd’hui, je m’engage pour l’accessibilité et l’inclusion des handicapés. Nous devons sensibiliser le public sur les préjudices que subissent ces personnes. C’est un sujet de société qu’il est important de mettre sur la table. J’espère que mon livre servira à faire bouger les lignes et que les politiques vont s’emparer de cette question majeure qui concerne des millions de personnes.
« Les JO vont fédérer les gens »
Dans quel état d’esprit abordez-vous la couverture des Jeux Olympiques et Paralympiques avec France Télévisions ?
J’aborde cet événement avec passion et un énorme enthousiasme. Les Jeux Olympiques fédèrent les gens et créé du lien. La couverture des jeux paralympiques sur nos antennes s’annonce exceptionnelle avec la présence d’athlètes extraordinaires. Je mesure le privilège de faire un métier de passion.
Propos recueillis par Jaheli NAMAI.
Photos : Mamadi Sangaré.
On n’ampute pas le cœur, Matthieu Lartot, éditions Robert Laffont, 192 pages.