Si Emile Zola est retenu comme l’un des plus grands écrivains français, c’est principalement pour sa fresque romanesque les Rougon-Macquart, saga de vingt volumes retraçant l’histoire d’une famille sous le second empire, où se mêlent enquêtes journalistiques et sociales, destins tragiques, lyrisme et même fantastique. Un chef d’œuvre d’une richesse inépuisable.
Découvrez chacun des tomes de ce grand-œuvre à travers cette série de chroniques.
Publié en 1886, L’Œuvre est peut-être le meilleur des Rougon-Macquart. Retour à Paris où l’on suit Claude Lantier, fils de Gervaise Macquart, et qu’on a déjà croisé dans Le Ventre de Paris.
Le roman s’ouvre sur une scène intrigante où une jeune femme, Christine, se réfugie dans l’atelier encombrée de Claude et y passe la nuit ; Claude, en guise de remerciement, exige d’elle de poser pour lui. C’est le début d’une histoire d’amour d’un romantisme à la Titanic, mais qui va sombrer peu à peu face à la fascination de plus en plus violente que Claude éprouvera pour son travail en cours.
Un roman à clés, où chaque personnage incarne une personnalité de l’intelligentsia
Claude Lantier est un peintre tout entier dévoué à l’art, qui prône une nouvelle forme de peinture qu’il peine à faire reconnaître dans les milieux des salons. En effet, Claude est l’alter ego d’Edouard Manet, le peintre du Déjeuner sur l’herbe, œuvre majeure qui révolutionna la peinture en rompant les codes du réalisme. En fait, le roman tout entier est un roman à clés, où chaque personnage incarne une personnalité de l’intelligentsia et du monde artistique de l’époque. Sandoz, l’ami d’enfance de Claude, n’est autre que Zola lui-même !
On entre dans la tête de l’écrivain
Une des qualités de L’Œuvre, c’est que Zola, à travers la bouche de Sandoz, exprime ses craintes et ses doutes par rapport à l’œuvre romanesque titanesque qu’il est en train d’écrire, l’histoire d’une famille sous le second-empire… ça vous rappelle quelque chose ? On entre dans la tête de l’écrivain !
Ne trouvant pas le succès, ébranlé par la mort de son fils malade, Claude se désintéresse de plus en plus de sa femme pour se consacrer à une œuvre immense représentant une femme étrange qui semble lui dévorer sa vie… et ainsi Zola rejoint les codes du fantastique, dans la veine d’un Dorian Gray de Wilde ou d’un Portrait de Gogol, où l’art devient porte ouverte sur des ténèbres inconscientes…
Texte et illustration : Charlie PLES.