Le Satiricon de Pétrone est un des plus anciens romans latins dont on ait trace ; il a été adapté au cinéma par Federico Fellini en 1969, une libre adaptation déconcertante d’un roman lui-même très loin de nos conceptions actuelles de la littérature romanesque. Ça vaut le coup d’œil !
Le roman de Pétrone peut sembler assez décousu ; on peine à suivre une véritable trame narrative, bien que la quête d’Encolpe pour retrouver Giton, puis la trahison de son ami Ascylte en constituent le fil rouge. A la manière du roman rabelaisien (le médecin du XVIe siècle s’est d’ailleurs peut-être inspiré de Pétrone), le Satiricon, comme son nom l’indique, vise surtout à une satire de la société romaine dont il est le contemporain.
Le principal inconvénient du roman est que tous les morceaux n’en ont pas été retrouvés. Ainsi la lecture est-elle fragmentée par des lacunes dont on ne peut lire que les interprétations et hypothèses des chercheurs ayant travaillé sur le texte.
Cet aspect lacunaire du roman se retrouve dans l’adaptation filmique de Fellini, où la cohérence scénaristique est presque intégralement abandonnée ; on passe d’une scène à l’autre parfois sans lien diégétique, parfois même sans cohérence chronologique ! Le film commence d’ailleurs par la toute fin, avec Encolpe qui se plaint de la trahison d’Ascylte… alors même qu’à la fin du film, tandis qu’ils vagabondent ensemble, son ami lui meurt dans les bras sans apparemment avoir eu l’occasion de le trahir.
Si l’on peut se permettre de divulgâcher, c’est que l’intérêt du film de Fellini ne réside pas dans sa diégèse mais dans sa réalisation ; c’est un véritable carnaval ésotérique, à la fois drôle et inquiétant, où se mêlent dans une représentation délirante de la Rome antique, le grotesque, le mythique, et le mystique. A voir absolument, le bon sens bien accroché.
Texte et illustration : Charlie PLES.