Le roman de Jeanne et Nathan : chroniques de l’addiction

Le Roman de Jeanne et Nathan de Clément Camar-Mercier (2023/Actes Sud) renoue avec la tradition du roman amoureux tout en en proposant une formule moderne, avec toute la violence de la société contemporaine que l’auteur dépeint sous le signe de l’addiction.

Nathan est un professeur de cinéma dépressif, tandis que Jeanne est une actrice pornographique. Si on peut s’attendre à ce que la caméra les réunisse, il n’en est rien. Nos deux protagonistes se rencontrent lors d’une cure de désintoxication.

Fuir l’ennui et la violence

En effet, tous deux sont accros à des drogues diverses au point de vivre en permanence en plein trip. Nathan fuit l’ennui, et Jeanne la violence. Chacun va trouver dans l’autre ce qui lui manquait et pourra ainsi se détourner de la drogue. Mais le chapitrage en compte à rebours annonce un sinistre dénouement…

Curieux pitch qui permet à Camar-Mercier de fondre dans une même intrigue un romantisme naïf, et la peinture réaliste et crue de la violence humaine. Un roman à ne pas mettre entre toutes les mains tant certaines scènes sont cruelles, en particulier les tournages de Jeanne.

Une soif d’indépendance

Celle-ci est tiraillée entre sa soif d’indépendance, et le constat que l’espace où elle pensait pouvoir exprimer sa créativité et sa liberté (le porno) ne fait que la réduire à l’état d’objet disponible. Une réflexion qui permet de prendre un recul sur un discours contemporain, qui tente d’idéaliser le porno comme zone où s’expérimente l’indépendance des femmes par la réappropriation de leurs corps… Jeanne montre que la réalité est plus complexe. D’où la drogue, qui n’est pour elle qu’une addiction comme une autre, comme certains sont accros aux écrans, au sucre… ou au porno.

Le Roman de Jeanne et Nathan dépeint une humanité qui se confine dans le mécanisme, l’instinct de conservation, qui ne se conçoit plus qu’à travers la dépendance. L’être humain n’est qu’un consommateur en quête d’effacement de soi. Seul l’amour, peut-être, l’amour bête et niais, pur et désintéressé, hors du monde, redonne à la vie une certaine valeur, au point de devenir éventuellement un projet politique.

Texte et illustration : Charlie PLÈS.

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