Traitant du tabou de l’homosexualité en milieu carcéral, le premier long-métrage du réalisateur belge Zeno Graton est l’exemple du film sage par sa forme et éclatant et nécessaire par son propos.
Le Paradis retrace l’histoire du jeune Joe (Khalil Gharbia, vu dans Skam France), détenu dans un centre pour délinquants mineurs. Celui-ci est en pleine procédure pour en sortir, mais le juge doit approuver cette libération. L’arrivée d’un nouveau, William (Julien de Saint-Jean, vu dans Arrête avec tes mensonges), dans le centre va bouleverser l’ordre des choses. Les aspirations et volontés des deux jeunes hommes donneront lieu au vécu d’un amour puissant et silencieux, pour le meilleur et pour le pire.
Un film intelligent et d’une extrême justesse
L’intelligence et la justesse de ce drame reposent sur plusieurs aspects. Le premier, un scénario sans accrocs (si ce n’est l’appréhension des deux garçons d’être séparés), mais solide, qui nourrit des plans et cadres pertinents retranscrivant adroitement les émotions des acteur.ice.s. Un des grands atouts du film est la qualité de ces interprètes qui, convaincu.e.s et pénétré.e.s, ne peuvent que nous séduire. Mention spéciale pour Eye Haïdara, impériale. Les musiques constituent également un des points forts. Originales et envoûtantes, elles portent le film et le subliment en soutenant les lâcher-prises et méthodes d’expressions artistiques des jeunes du centre. L’oeuvre fait aussi la part belle aux silences, aux non-dits, aux subtils jeux de corps et de regards. Ceux-ci sont particulièrement prenants, d’autant que la complémentarité des désirs des deux jeunes hommes est mise en scène avec éclat et brillance.
Enfin, la problématique principale des deux personnages principaux n’est pas la nature de leur amour mais le lieu de celui-ci. Le choix de réalisation de ne pas montrer une seule once d’homophobie, pourtant existante dans de tels milieux, est plus que bienvenu. Les complications étant en effet uniquement liées au contexte carcéral où Joe et William évoluent, l’épanouissement de leurs sentiments mutuels ne semble entravé que par l’éloignement physique de leurs cellules, éloignement d’ailleurs splendidement mis en perspective. À voir.
Djamel FERMIGIER-DUMORTIER.
« Le Paradis », en salles depuis le 10 mai 2023. Durée : 1h23.