Le mythe de la littérature

Le nom sur le bout de la langue est un petit livre de Pascal Quignard, assez révélateur de ses obsessions d’écrivain, et qui mêle un conte fantastique et un essai dense et obscure sur l’acte et l’objet littéraire. Une lecture difficile mais qui vaut l’effort.

Le livre est composé de trois parties : Froid d’Islande, qui relate brièvement comment est né le conte qui suit en deuxième partie, « Le nom sur le bout de la langue », et qui donne son nom au volume. La troisième partie, la plus difficile d’accès, est le « Petit traité sur Méduse » où Quignard reprend le thème du conte dans une réflexion littéraire essayistique, entre théorie, rêverie et narration.

Quignard est parti d’une expérience qui est commune à chacun : le fait d’être incapable de trouver le mot que l’on souhaite dire, la sensation qu’il est prêt à sortir, qu’il se tient sur le bout de la langue. De cette expérience, Quignard retient deux choses ; une conséquence théorique : le langage est acquis, et nous pouvons donc en être dépossédé ; une observation : cette dépossession du langage génère l’angoisse métaphysique, tandis que retrouver le mot suscite la jouissance.

L’auteur construit alors une métaphore de cette expérience à travers le mythe d’Orphée remontant Eurydice des enfers ; de même que nous remontons le mot de notre gorge ; de même l’écrivain remonte l’œuvre de la Nuit : ici, Quignard s’inscrit dans la continuité de Bataille et de Blanchot dont les références pullulent dans son texte construit comme une mosaïque de citations.

Quignard illustre par une expérience commune le dilemme de l’écrivain : se retourner vers Eurydice, c’est trahir l’œuvre qui retourne aux Enfers, qui n’a pas accédé à la vérité du réel ; remonter l’œuvre à la surface, c’est trahir l’indicible, c’est-à-dire l’objet de la littérature.

Texte et illustration : Charlie PLES.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *