Le Matin des Magiciens (1960) est le résultat d’un travail titanesque de documentation et d’exploration de la pensée, de l’histoire et des sciences, rédigé par Louis Pauwels à partir des notes prises lors de ses conversations avec son ami Jacques Bergier. Sous-titré « Introduction au réalisme fantastique », ce livre se veut être une porte ouverte vers des terrains inexplorés de la connaissance humaine.
Prendre au sérieux le farfelu
Par « réalisme fantastique », Pauwels et Bergier entendent le monde réel dévoilé, saisi au-delà de nos systèmes de représentations habituels, le « vrai » réel en quelque sorte. Cette idée fondamentale que la connaissance humaine est freinée par la représentation et le rationalisme conduit les deux érudits à adopter une méthode singulière : prendre au sérieux les hypothèses qui appartiennent d’ordinaire au farfelu et au délirant pour les examiner minutieusement.
Ils s’aident dans cette quête d’une foule de documents provenant de la littérature, de la philosophie et de la science de tous les âges, des Mésopotamiens à Lovecraft en passant par Charles Fort et Arthur Machen, et leurs découvertes sont souvent tout à fait étonnantes, au point que l’on en vient à cette question vers laquelle convergent toutes les autres : les coïncidences existent-elles vraiment ?
Une ouverture d’esprit
Le livre est composé de trois parties : dans la première, on étudie la possibilité d’anciennes civilisations évoluées qui auraient disparu ou décliné ; dans la deuxième, le dogme nazi est étudié dans son caractère religieux et mis en lumière comme altérité radicale qui rendait tout dialogue impossible avec l’humanisme occidental ; enfin, la troisième partie s’interroge sur les capacités inexplorées de l’esprit humain.
Le Matin des Magiciens est l’occasion d’une vraie ouverture d’esprit pour les cartésiens ; cet essai, qui peut se lire comme un roman, parvient grâce à sa riche documentation à ébranler les fondements de nos certitudes. À lire cependant toujours avec une certaine distance critique, pour ne pas sombrer dans le complotisme voire le sectarisme que Pauwels et Bergier, malgré leur prudence intellectuelle, frôlent parfois dangereusement, en particulier dans la dernière partie.
Le bouleversement des certitudes ne saurait conduire à d’autres certitudes, sans doute plus bancales, qui les remplaceraient. Il ne s’agit que de se questionner, et de rêver. À la science seulement de vérifier le rêve.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.
Le Matin des Magiciens, Louis Pauwels et Jacques Bergier, aux éditions Gallimard dans la « collection « blanche », 1960, 513 pages.