Le mal joli, sixième roman de l’écrivaine Emma Becker semble s’inscrire dans le prolongement de L’Inconduite, autre ouvrage phare de celle-ci. Ici encore, Becker fait état de cette confrontation entre sa vie de mère et sa vie de femme désirante. Cependant, dans Le mal joli, il ne s’agit plus d’une succession d’amants passagers, mais d’un seul homme pour lequel l’auteure a voué une histoire d’amour passionnelle.
Comme d’habitude chez Becker, le roman est très cru, les scènes de sexe nombreuses, diverses et explicites. L’écriture et la sexualité marchent main dans la main chez l’auteure, puisqu’elles sont toutes les deux symptômes de cette lutte face à l’empêchement que sont les obligations culturelles, sociales, morales, la vie de famille.
Ainsi même si peu d’entre nous peuvent s’identifier à une vie sexuelle aussi hors normes, le propos du Mal joli dépasse le cadre de la sexualité et accède à une sorte d’universalité dans l’interrogation fondamentale qui régit toute l’œuvre de Becker : comment vivre avec la frustration ?
Un ouvrage intime
La crudité de Becker n’est pas seulement sexuelle, elle est aussi morale. Il en faut du cran pour délivrer aussi franchement des pensées aussi basses livrées en pâture au blâme ou à l’empathie du lecteur. Frustration de femme dans un monde d’hommes, frustration de mère quand on désire encore, frustration d’écrivaine quand on n’est pas rentière, mais aussi tout simplement frustration de la pulsion de vie dans un monde de codes, de restrictions, de contraintes.
L’intensité de la plume de Becker durant les scènes de sexe contraste avec l’humilité et la tendresse des scènes familiales. D’une phrase émerge alors la tristesse, la rancoeur, et finalement l’amour. L’insupportable maître adoré.
Texte : Charlie PLÈS.
Le mal joli, Emma Becker, éditions Albin Michel, 2024, 416 pages.