L’écrivain Charles Juliet, décédé en juillet 2024, a construit une œuvre qui exprime le besoin viscéral de l’écriture, la nécessité de la littérature. Son journal décrit le spleen d’une solitude inguérissable qui ne s’oublie que dans l’écriture de récits. Son ouvrage, intitulé Lambeaux est un hommage à ses deux mères, celle qui lui a donné la vie, et celle qui l’a aimé.
Dans Lambeaux, Juliet retrace dans une première partie, l’histoire de la mère qu’il n’a jamais connue. Paysanne qui doit très vite abandonner ses études, la jeune fille est prisonnière d’une vie gâchée, loin des livres dont elle ressent le besoin vital. Elle tombe en dépression après avoir mis quatre enfants au monde, dont Charles, avant d’être ensuite internée comme hystérique. Elle finira par mourir pendant l’Occupation, seule et affamée.
La seconde partie est un récit autobiographique qui relate la découverte par Charles de la littérature, puis de l’écriture, sans quoi il n’aurait tout simplement pas pu vivre. Le lecteur découvre également la genèse de ce court livre que l’auteur a pourtant mis plus de dix ans à écrire. Ce récit dépeint également sa deuxième mère, adoptive et attentive, qui lui permet de s’adonner pleinement à ce pour quoi il est venu au monde.
L’entièreté de l’ouvrage présente la littérature comme une nécessité qui se transmet de la mère à l’enfant, telle une maladie génétique (pour entretenir la métaphore des malades dans la postface à Mes Propriétés de Michaux). La deuxième personne à laquelle s’adresse la voix narratrice, d’abord à la jeune fille, puis à son fils, semble d’ailleurs appartenir à nul autre qu’à la littérature elle-même.
« … En permanence le besoin d’en finir. Rôdant autour du geste ultime. Pour te préparer à l’instant où il faudra l’accomplir. L’intenable. L’intenable. Et aucun répit. Aucun refuge. Aucune échappatoire. Demeurer là. Dans ce regard qui se regarde. Cet oeil qui se scrute. […] Mais donner à autrui une idée de cet absolu de la souffrance est rigoureusement impossible. Voilà pourquoi cette souffrance qui t’avilit, t’empêche d’être à l’unisson, te fait vivre dans la honte, tu la caches, tu la tais. »
Texte et couverture : Charlie PLÈS.