« La vie clandestine », le plus beau roman de Monica Sabolo

Le nouvel ouvrage de Monica Sabolo, « La vie clandestine », fait écho à tous ses précédents et réunit son humour, ses images poétiques et son secret tragique. 

Après Eden, paru en 2019, qui a reçu, de l’aveu même de Monica Sabolo, « un accueil mitigé », l’autrice de Crans-Montana cherche un sujet pour son nouveau livre. Elle le veut « facile et efficace ». Et, si possible, le plus éloigné d’elle-même. L’autrice écume alors les faits divers en écoutant « Affaires sensibles » sur France Inter. Un épisode consacré aux membres d’Action Directe, Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon, meurtrières du PDG de Renault George Besse, lui donne l’idée d’écrire sur ce mouvement terroriste d’extrême gauche (1979-1986) et de retracer le parcours de ces deux femmes. Mais Action directe , qui n’a, à priori, aucun lien avec l’histoire personnelle de Monica Sabolo, va l’approcher d’une « zone dangereuse » de sa mémoire. L’enquête, racontée avec beaucoup d’humour, se déploie, tisse peu à peu des correspondances mystérieuses avec son passé, qui « se met à remonter à la surface à la façon d’un cadavre gonflé d’eau » : le secret de ses origines, sa mère qui se transfère sur le visage de Nathalie Ménigon, un père abusif aux activités occultes, cette vie souterraine, « à la lisière du réel ». En somme, des vies clandestines, secrètes et illicites, qui résonnent avec Action Directe. 

De fait, ce roman s’apparente à un voyage dans l’inconscient, comme si le surmoi se matérialisait dans l’enquête sur Action directe. Ce  thème, qui n’a rien à voir elle, est un bouclier qui, au départ, censure les traumatismes cachés dans l’espace immergé de l’iceberg, et se transforme ensuite en miroir, reflétant ainsi le refoulé. 

Au cœur de ce traumatisme, il y a l’inceste dont Monica Sabolo fut victime. Dans ses précédents livres, la même scène revenait – la lumière d’un aquarium, des poissons dans les algues, et les mains d’un homme sous la chemise de nuit d’une jeune fille -, mais la violence était habillée par l’écriture métaphorique de la romancière. Dans La vie clandestine, elle aborde sa propre histoire de façon plus frontale et incarnée, et signe, en même temps, son plus beau roman. Espérons que son talent soit récompensé dans les prochains mois. 

Ismaël EL BOU – COTTEREAU.

La vie clandestine, éditions Gallimard, 310 pages, août 2022.

Crédit: Gallimard presse.

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