Le Moine est un des classiques du roman gothique, écrit par Matthew Lewis et publié en 1796 ; ce roman a été une source d’inspiration pour les écrivains fantastiques. En 1931, Antonin Artaud, fondateur du « théâtre de la cruauté », en a établi une traduction qu’il présente davantage comme une réécriture. C’est donc du Moine de Lewis réécrit par Artaud dont il est ici question.
Antonin Artaud a une grande admiration pour Le Moine de Lewis, « qui fait enfin du surnaturel une réalité comme les autres » (« Avertissement », ARTAUD, Le moine (de Lewis), Gallimard Folio). En effet, Artaud fait partie de ces écrivains du début du XXème siècle, comme Bataille, Blanchot ou Beckett, qui ont tendance à s’opposer, consciemment ou non (très consciemment dans le cas d’Artaud), au scientifisme du XIXème, pour réaffirmer les valeurs de l’âme, du ressenti, du sentiment, de ce qu’Artaud appelle la Vie ou encore la Cruauté, au sein de l’art et de la littérature.
Artaud s’oppose aux critiques qui ont pu être faites du Moine comme d’un roman délirant et fantasque ; et en effet, l’ouvrage ne va pas dans la demi-mesure, avec ses hallucinations, ses apparitions du Diable, sa sorcellerie… Mais pour Artaud, il s’agit dans le fantastique de représenter la vie justement par ce qui échappe à la raison ; car la vie comme Cruauté est irrationnelle, fantastique : ainsi, Le Moine lui « donne beaucoup plus la sensation de la vie profonde que tous les sondages psychologiques, philosophiques (ou psychanalytiques) de l’inconscient » (ibidem).
Sans doute Artaud se reconnaît il en Ambrosio, ce moine qui emmène les foules jusqu’à l’extase mystique, et qui s’adonne dans l’ombre à la luxure et au satanisme, qui n’atteint la divinité de la vie qu’en s’adonnant à ses forces obscures. « Je m’adonne aux charlatans, rebouteux, mages, sorciers et chiromanciens », dit-il.
Comme le vivant, comme le rêveur, s’adonne au poète.
Texte et illustration : Charlie PLES.