Publié en 2022 chez Uber Editions, La Princesse du château sans fin est un roman graphique de Shintaro Kagô qui joue sur la matérialité du livre et de la pagination pour produire des effets originaux qui servent son thème (très actuel) du multivers. Une prouesse graphique et narrative qui s’accompagne d’une violence et d’une bizarrerie qui en font un ovni de la bande dessinée.
Le récit commence naturellement : dans un château qu’on situe dans un Japon médiéval (quoiqu’on se rende bien vite compte que l’univers de cette fiction est u-topique et u-chronique), un vassal défie le seigneur en place en duel, et le vainc, prenant ainsi sa place en tant que seigneur… Sauf que le seigneur, lui aussi, a vaincu le vassal ! Deux corps gisent, et deux corps demeurent debout, le sabre sanglant…
C’est qu’à chaque fois qu’un combat entre un vassal et un seigneur a lieu, le château se dédouble, et chaque tête grandit en suivant sa propre histoire, jusqu’à un nouveau dédoublement, etc… L’histoire se répète et se multiplie.
On est donc dans une logique de multivers, et cette logique est exploitée à fond par l’auteur, qui joue de la pagination pour faire suivre en même temps deux histoires contradictoires et les faire se rencontrer… aux risques et périls des personnages.
Car les contacts entre deux diégèses entraînent des bouleversements conséquents. À mesure que les règles multiverselles sont bafouées, l’objet-livre se déstructure de plus en plus, jusqu’à un chaos jouissif.
Une expérience de lecture étonnante ; à ne pas mettre entre toutes les mains cependant, certaines images pouvant être particulièrement dérangeantes pour les jeunes esprits… On ne contredit pas les lois de la physique en toute impunité !
Texte et illustration : Charlie PLES.
192 pages.