La fille parfaite : un roman maîtrisé, mais froid

Dans La fille parfaite, Nathalie Azoulai narre l’histoire d’une amitié singulière entre une littéraire et une scientifique, interrompue par le suicide de l’une d’entre elles. Un livre intéressant mais où la démonstration érudite prend le pas sur l’émotion. 

Le roman s’ouvre sur le suicide d’Adèle, brillante mathématicienne de 46 ans. Une disparition qui reste une équation insoluble pour Rachel, son amie d’enfance. Elle va rembobiner le fil de l’existence d’Adèle et se remémorer leur amitié faite de complicité, de compétition et d’humiliations. 

Amies depuis le collège, Adèle et Rachel exècrent la médiocrité, au risque de renvoyer l’image de jeunes filles dont l’ambition dévorante peut parfois flirter avec l’arrogance. Au lycée, elles choisissent les sciences, mais Adèle est plus douée que la narratrice. Leurs chemins vont alors bifurquer : Rachel choisit la voie des lettres et deviendra écrivaine; Adèle creusera le sillon des mathématiques avec la médaille Fields en ligne de mire. A deux, elles veulent « couvrir tout le spectre » et s’ancrer sur les terres de la littérature et de la science. Rachel connaît le succès avec un roman; tandis qu’Adèle cache sa mélancolie sous le masque d’une dureté rationnelle. Cette dernière ne peut s’empêcher de pointer du doigt l’ignorance scientifique des lettrés qui s’embourbent parfois dans la vacuité : Une fois de plus, elle me signifiait que dans son monde à elle, il y avait beaucoup moins de crétins, parce que les sciences triaient sur le volet, alors que chez les littéraires, les fausses valeurs, évidemment, ça courait les rues”. 

La mise en tension des ces univers se retrouve dans l’écriture qui est peuplée de références littéraires et scientifiques, comme si les voix de Rachel et d’Adèle s’entremêlaient.

Mais Nathalie Azoulai distille ses références avec une certaine lourdeur et une application de bonne élève, de « fille parfaite ». Virginia Woolf, étudiée par Rachel, est ainsi le fil rouge d’un roman qui s’attache à plonger le lecteur dans un flux de conscience, à la manière de l’autrice des Vagues.
Cette démonstration érudite et appuyée rend parfois le livre un peu froid et éclipse le personnage mystérieux et passionnant d’Adèle.
La fille parfaite est peut-̂être un roman trop « parfait », trop référencé et démonstratif pour convaincre totalement.

Ismaël EL BOU – COTTEREAU (texte et photo).
Photo mise en avant : ©Philippe Matsas/P.O.L.

La fille parfaite de Nathalie Azoulai, Editions P.O.L, 313 pages, paru en janvier 2022.

 

 

 

 

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