Kafka, l’écriture de la Honte

Kafka a marqué la littérature du XXème siècle, ne serait-ce que pour ce mythe de l’écrivain qui a voulu tout brûler à sa mort. Désobéi par son ami Max Brod, celui-ci sauve les manuscrits de Kafka et les fait connaître au grand public.

Un réalisme léger

L’œuvre de Kafka est animé par un fantastique singulier, une sorte de réalisme où toujours un léger décalage vient plonger le récit dans la pure fiction. On peut penser par exemple à l’une de ses œuvres les plus connues, La Métamorphose, où Gregor Samsa se réveille changé en insecte géant, mais aussi au Terrier, où une créature mi-homme mi-taupe nous décrit ses tribulations au sein d’un terrier peut-être envahi par une présence étrangère.

Dans ses trois romans comme dans ses nouvelles on retrouve ce fantastique rendu froid et distant par une écriture incisive, millimétrée, sans lyrisme. Mais ce qu’on remarque encore davantage, c’est cette extrême difficulté pour Kafka d’achever ses œuvres. Deux de ses romans ont été abandonnés en cours de route, ainsi que de très nombreux récits, certains seulement ébauchés, toute cette œuvre vaste et prolixe mais inachevée, larvaire, que Kafka exigea à Max Brod de tuer dans l’œuf qui n’éclorait jamais.

Un besoin d’autodestruction

Pourquoi ce besoin d’autodestruction ? On peut remarquer au sein des écrits de Kafka le terme récurrent de la traque, du châtiment et de la culpabilité, une culpabilité sans motif, un mode d’existence ; c’est particulièrement flagrant dans Le Procès, où Joseph K. est arrêté, jugé et condamné pour un motif qu’on ne lui précisera jamais.

Une culpabilité qui naît sans doute de sa judéité et de l’autorité de son père dont il ne parvient pas à se détacher. Kafka ne se sent pas libre, mais déterminé dans son essence ; pour autant, la perspective de la liberté lui fait suffisamment peur pour qu’il lui préfère le motif du retranchement, de la cachette, du retour in-utero. Coupable d’être né, coupable d’écrire, et coupable de ne pas achever, donc de laisser vivre ces morceaux épars dont surgit une honte métaphysique.

Texte et illustration : Charlie PLÈS.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *