Plongée dans les ruelles sombres de la littérature

Ce n’est pas l’histoire d’un héros que vous lirez dans le Journal d’un vieux dégueulasse de Charles Bukowski (1967) : ce recueil de nouvelles dessine l’homme moyen dans toute sa crasse, et c’est absolument délicieux.

Une société qu’on renifle sans approcher

            Le style tout à fait particulier de Bukowski offre à ses histoires le merveilleux parfum du doute : s’agit-il d’anecdotes réelles ou bien de fictions inventées de toutes pièces ? Entre la bassesse, le terre-à-terre poussé des récits et leurs aberrations, on est incapable de comprendre si ces nouvelles sont l’œuvre d’un esprit très inventif quoique légèrement dérangé, ou bien les souvenirs puants d’une loque humaine. Si dans chaque nouvelle le personnage est un homme dont on croit reconnaître le caractère, le nom de Bukowski, bien que fréquent, n’est pas systématique, et probablement ces personnages ne sont-ils que des alter egos.

Carnaval de personnages grossiers et grotesques

            La crudité des propos et du langage (Bukowski rivalise d’ingéniosité pour décrire une sexualité débridée et pulsionnelle) ; l’apparition soudaine de majuscules, qu’on remarque partout dans le texte sauf là où elles devraient être (après la ponctuation finale) ; toutes ces fantaisies glauques dépassent la provocation pour atteindre l’exploration esthétique : Bukowski, c’est les ruelles sombres de la littérature, celles où on s’engouffre avec inquiétude sans savoir si on se sortira indemne des spectacles peu ragoutants que cachent les poubelles, les tags sur les murs, et les habitants trop maquillés de ces coins ombrageux d’une société qu’on renifle sans approcher.

            Parmi ce carnaval de personnages grossiers et grotesques, ces insultes salaces lancées dans la plus grande gratuité et ces appartements bordéliques, une philosophie placide et cynique s’installe, profitant de l’ambiance tamisée des néons de boîte de nuit et des lampadaires pour cracher sur le monde entier et ne donner son sens et sa beauté qu’à l’art et à la vie, la vraie vie.

Texte et illustration : Charlie PLÈS.

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