Vernon Subutex, spectateur du monde

Vernon Subutex est une trilogie de Virginie Despentes, dont le premier tome est paru en 2015, et qui, à travers le calvaire du personnage éponyme, fait le portrait de la société du XXIème siècle, dans sa diversité et sa belle laideur.

Ancien disquaire au chômage, Vernon Subutex est expulsé de chez lui et emporte parmi ses affaires les enregistrements vidéos de son défunt ami Alexandre, qui était une célèbre rock star. L’information fuite et un producteur cherche à s’emparer des films, tandis que Vernon erre d’amis en connaissances pour se faire héberger.

Une galerie de personnages étonnement complexes

Cette ligne narrative assez simple sert en fait surtout de prétexte à Despentes pour faire se succéder les portraits de personnages a priori extraordinaires mais qui ne se révèlent être finalement que des exemples de la diversité d’un peuple désespérément humain, celui de nos sociétés actuelles. La narration est tantôt focalisée sur un personnage dont elle adopte le point de vue, puis sur un autre, si bien que la première opinion du lecteur sur un tel peut évoluer suite à ce changement de perspective. Chaque protagoniste, aussi épisodique soit-il, devient donc étonnement complexe.

Despentes n’est nulle part dans son œuvre, elle laisse la parole aux gens

Despentes ne fait pas dans le politiquement correct et, digne héritière de Bukowski dont elle est une lectrice invétérée, elle n’hésite pas à affirmer, via la pensée de son personnage, des injures contre les pauvres, des propos racistes, des réflexions misogynes, des blagues crues et cruelles… Le tout est de comprendre que Despentes n’est nulle part dans son œuvre : elle laisse la parole aux gens, et les gens pensent tout haut. Il est donc nécessaire, en tant que lecteur, d’être perpétuellement en position réflexive et critique. Il ne s’agit pas de détester ou d’aimer l’actionnaire, la porno-star, le fasciste, la cyber-hunter, le scénariste ou la clocharde.

Il s’agit d’être, comme Vernon Subutex, un être à part, spectateur du monde.

Texte et illustration : Charlie PLÈS.

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