Titane : une esbroufe cinématographique

Cinq ans après Grave, un premier film très maîtrisé, Julia Ducournau continue de s’emparer du cinéma de genre horrifique pour le confronter à d’autres influences. Récompensé par la palme d’Or cette année à Cannes, Titane est symptomatique de cette démarche. Mais cette fois, l’exercice de style pompeux prend le pas sur un scénario abouti.

Des arcs narratifs bâclés et décevants

Victime d’un accident de la route, la jeune Alexia a depuis une plaque de titane dans la tête. Après une ellipse temporelle, on la suit maintenant jeune adulte entre clubs de go-go dancing dans des garages et virées nocturnes meurtrières. Pour échapper à la police, elle va prendre l’identité d’un jeune garçon disparu depuis plus de dix ans et se fondre dans le foyer d’un père pompier meurtri (Vincent Lindon). Les quelques fulgurances de mise en scène et les effets d’échos avec Grave cachent un scénario cousu de fils blancs. Dès le début, on comprend l’évolution de la relation entre les personnages. Le tissage des deux trajectoires narratives est bâclé : tout arrive comme un cheveu sur la soupe.

Des scènes de violence gratuite, une coquille vide

Dès lors, Titane s’apparente davantage à un exercice de style prétentieux qu’à un film abouti et cohérent. Julia Ducournau se contente d’accumuler des scènes ultra stylisées dans lesquelles elle recrache ses influences cinématographiques (Cronenberg, Carpenter ou encore Winding Refn). La première partie comporte des scènes très violentes qui n’apportent rien, sauf pour auréoler le film d’un parfum de scandale. La réalisatrice se défend de mettre en scène une violence gratuite en l’enrobant d’un soit-disant propos engagé et féministe. Si Alexia fait l’amour avec une voiture et massacre des hommes avec des armes à la symbolique phallique, devrait-on y voir une allégorie de l’insoumission féminine face au patriarcat ? Mais cette masturbation intellectuelle ne permet pas de sauver cette coquille vide.

La réalisatrice ne réussit pas à mélanger les genres

Julia Ducournau revendique de brouiller les frontières du genre cinématographique tout comme les stéréotypes de genre. Les quelques tentatives d’humour tombent à plat et les moments dramatiques sont soulignés par des musiques sentencieuses. Quant à l’intention de fluidité des genres et du travestissement, celle-ci est beaucoup trop appuyée avec des scènes répétitives (notamment les scènes de danse des pompiers qui mettent en tension virilité, vulnérabilité et féminité).

A la fin de la projection, on peut avoir la sensation d’avoir été pris au piège d’une esbroufe artistique qui se prend au sérieux et qui cache toutes ses faiblesses d’écriture (scénario, personnages creux) par une mise en scène soignée.

Ismaël EL BOU – COTTEREAU.

Titane de Julia Ducournau, 1h48, en salles depuis le 14 juillet 2021. Film interdit aux moins de 16 ans.

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