Rosie Carpe, quand la folie se fait discrète

Rosie Carpe de Marie Ndiaye (2001) est un roman qui frise avec le fantastique et qui innove le genre grâce à une ambiance extrêmement travaillée qui plonge le lecteur dans un sentiment de malaise et de crainte constante. Rosie Carpe réactualise la figure de l’anti-héros tout en dénonçant la souffrance d’une femme dans un monde malade.

Il s’agit d’un récit tout à fait déroutant ; celui d’une femme, Rosie Carpe, qui part retrouver son frère en Guadeloupe avec son fils Titi, frêle pantin à peine vivant. Si elle tente de rejoindre son frère Lazare pour l’argent, qui lui manque cruellement, sans doute faut-il voir une toute autre raison à ces sinistres retrouvailles.

Le récit est partiellement anachronique, avec une première et une troisième partie qui se rejoignent, une deuxième partie qui constitue le passé de Rosie, et un épilogue qui fait une ellipse de dix-neuf ans et conclut sur le personnage de Lagrand, qui se partage curieusement le premier rôle avec Rosie.

Cette particularité narrative n’est qu’une des nombreuses innovations textuelles dont fait preuve Marie Ndiaye, en conteuse efficace. Les Editions de Minuit, chez qui est publié le roman, sont en effet connues pour ses prédispositions à l’invention de nouvelles formes narratives : ici, si l’on peut retrouver les repères d’un roman traditionnel, avec narrateur extradiégétique en focalisation interne, c’est finalement le personnage et sa perception étrange, différée et, on peut le dire, folle, qui suscite le sentiment de malaise et d’incompréhension. Une ombre sinistre plane sur ces noms sans cesse répétés, comme invoqués : Rosie, Rosie Carpe, cette femme du nom de Rosie Carpe, mon frère, Lazare, Lazare Carpe, mon frère Lazare Carpe…

Et c’est au sein de la conscience d’une folle qu’apparaît toute la folie d’un monde en proie au délire de l’argent et de l’éternelle jeunesse, où prolifère l’abandon, le vice, et la rancune.

Texte et illustration : Charlie PLES.

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