Perec, le récit autobiographique et la dystopie

Georges Perec est une des grandes figures de la littérature du XXe siècle pour ses expérimentations sur la langue ; un exemple des plus connus est son diptyque que forment La disparition et Les revenentes, où Perec abandonne respectivement la lettre E, puis la lettre A. Dans W ou le souvenir d’enfance (1975) son ambition est de raconter en les imbriquant deux récits différents, qui tendent cependant à se rejoindre…

Ce titre étrange en comporte en réalité deux ; W est celui d’une fiction, (écrite en italique), tandis que le souvenir d’enfance est un texte autobiographique. Chaque chapitre alterne le récit sur lequel on se porte.

L’enfance de Georges Perec s’est déroulée durant la seconde guerre mondiale, poursuivie par la SS ; son père est mort au combat contre les allemands, tandis que sa mère fut déportée après avoir réussi à envoyer son fils en zone libre. Ce n’est donc pas un hasard si, malgré la joie innocente de l’enfance, ces souvenirs se trouvent obscurcis d’une atmosphère pesante.

Le personnage du récit de fiction, Gaspard Winckler, porte le même nom que le personnage d’un récit écrit par Perec durant ces jeunes années. Ici, Winckler entre en contact avec un homme qui lui révèle la disparition de l’enfant dont il a adopté le nom en changeant d’identité. Qu’est devenu cet enfant, le véritable Gaspard Winckler ? Echoué sur l’île de W, où notre Gaspard se rend.

Il y découvre une société dont tous les fondements reposent sur le sport et l’organisation de tournois. Si l’on croit d’abord assister à la description d’une utopie, l’on s’aperçoit, au fur et à mesure des chapitres, en même temps que s’assombrit l’enfance des Souvenirs, que ce monde ressemble bien davantage à une dystopie, où règnent la loi du plus fort, où la population est soumise aux décisions arbitraires des juges, et où le corps a effacé l’esprit. Les images des tournois et des corps athlétiques ne sont pas sans faire penser, et ce n’est pas un hasard, au film de propagande nazi de Leni Riefenstahl.

Un livre pesant, d’autant plus chez Perec davantage habitué au ton léger.

Texte et illustration : Charlie PLES.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *