Oscar tombe dans le ciel (épisode 10)

Découvrez la vie d’Oscar, un enfant intriguant et intrigué, dans ce récit fantastique présenté par Charlie PLÈS. Des extraits sont publiés périodiquement dans Vitav depuis le 6 mai 2020.

Pétrifié, il attendit qu’elle raccroche. Cela dura bien une éternité. Plus, peut-être. Lorsqu’enfin elle reposa le combiné, Angèle resta statique, son regard vide traversant Oscar sans le voir. Au bout d’un moment, elle marmonna, si bas que c’en était presque inintelligible, qu’elle avait besoin de prendre un bain.

Oscar la regarda partir et s’enfermer dans la salle d’eau, puis, épuisé, il pleura un peu avant de se coucher par terre. Il était perdu, perdu dans ce monde qui n’était plus le sien, qui n’avait plus aucun repère… Il était fatigué de courir nulle part, pour rien, de ne rien comprendre, de ne rien comprendre, de ne rien comprendre… Pourquoi tout était obscur autour de lui ? Pourquoi fallait-il qu’on éteigne la bougie qui lui réchauffait la paume de sa main et éclairait ses pas maladroits dans l’inconnu ?

Il s’endormit.

C’est le bruit de l’eau qui coule qui le réveilla. Il ne savait pas combien de temps s’était écoulé pendant son sommeil. Pour Oscar, d’ailleurs, le temps ne se décomposait qu’en deux parties ; le jour et la nuit. Et le temps répétait son cycle, indéfiniment… Souvent, Oscar se réveillait en croyant avoir rembobiné le film de sa vie. Comme si, à chacun de ses réveils, il se retrouvait exactement au même endroit, au même moment que la veille, et que le même jour se répétait sans cesse. Comme si quelque chose offrait à chaque fois une nouvelle chance à Oscar de mieux profiter de ce jour. Après tant d’essais, il estimait être expert dans l’art de profiter de la vie.

Mais ce réveil là, seul dans le salon, le soleil encore haut dans le ciel, et le bruit de l’eau… Non, ce réveil là ne lui donnait aucune chance. Ce réveil là était une épreuve.

Oscar se dirigea vers le bruit, qui bien évidemment venait de la salle d’eau. Il frappa plusieurs fois contre la porte, alertant Angèle de sa présence. Il savait que c’était mal d’entrer dans la salle de bains alors qu’une fille était à l’intérieur. C’était Angèle qui le lui avait dit, un jour où il l’avait surprise toute nue. Elle s’était caché le corps avec sa serviette et avait ordonné à Oscar de partir, la voix tremblante semblant retenir sa colère. Il avait obéi, sans vraiment comprendre ce qu’il avait fait de mal.

Il ne voulait pas la mettre à nouveau en colère, mais le mutisme d’Angèle l’effrayait. Rien derrière cette porte, rien sinon l’eau qui coulait, son uniforme, continu, sans vie. Oscar comprit que quelque chose du dehors était entré dans sa maison et avait envahi la salle d’eau. A présent, la salle d’eau était dans le dehors.

Prenant son courage à deux mains, Oscar poussa la porte et entra. La lumière éclatante du jour illuminait parfaitement la scène, se déversant par la fenêtre et rebondissant sur le carrelage blanc et la peau tout aussi blême d’Angèle, couchée habillée dans la baignoire. Oscar s’approcha, curieux, légèrement anxieux à l’idée qu’Angèle se fâche de son intrusion. Mais, en découvrant ses poignets ouverts et l’eau si rouge qu’elle en était devenue opaque, il comprit qu’elle ne se fâcherait pas.

Charlie PLÈS.

Rendez-vous le mercredi 7 octobre 2020 pour la suite et fin d’Oscar tombe dans le ciel !

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