Découvrez la vie d’Oscar, un enfant intriguant et intrigué, dans ce récit fantastique présenté par Charlie PLÈS. Des extraits sont publiés périodiquement dans Vitav depuis le 6 mai 2020.
La mort. C’était donc cela qui était entré chez lui, qui avait envahi Angèle avant de l’exiler de son corps, ne laissant que cette chair flasque et froide. La mort. C’était donc ça, dehors. Intéressé, Oscar caressa les cheveux d’Angèle qui n’étaient plus les siens. Ferma et ouvrit les yeux d’Angèle qui n’étaient plus les siens. Toucha en plusieurs endroits la peau d’Angèle qui n’était plus la sienne. Baigna tranquillement sa main dans l’eau pleine du sang d’Angèle, qui n’était plus rien.
Quoique…
Le visage d’Oscar s’illumina. Il savait où trouver Angèle.
Il sortit de la salle de bains, tout heureux, sautillant gaiement. Il grimpa jusque dans le grenier, dont il n’avait plus peur malgré les grattements persistants, et s’empara de la corde qu’il avait repéré la fois où Angèle et lui y étaient montés, ce jour de pluie où quelque chose avait changé chez Oscar, ce jour où il avait le mieux profité de sa chance en partageant cette vie avec une autre, avec son amie. Il attacha à un bout de la corde une lourde masse qu’Oscar avait déjà vu Papa utiliser, la soulevant à de nombreuses reprises « pour faire travailler les muscles », et avait ainsi donné à Oscar l’idée de l’imiter en soulevant des seaux de plus en plus gros qu’il remplissait de la terre riche et humide du grand pré.
Il enroula la corde ainsi lourdement lestée autour de son bras et sortit de la maison, le sourire aux lèvres. Il allait bientôt rejoindre Angèle, au pays des anges. Dans le ciel.
***
Il était au beau milieu du grand pré. Le vent soufflait vers l’ouest, faisant ployer les brins d’herbes vers les sapins et l’obscurité qu’ils enfermaient. Mais Oscar ne s’y intéressait pas, aujourd’hui. Il renversait la tête en arrière à s’en décrocher le cou, contemplant l’azur bleu ponctué de gros moutons volants (ou d’eau légère), les yeux plissés pour se protéger de la chaude lumière du soleil. Il leva les bras au-dessus de lui, portant le leste, cette imposante masse noire dans lequel il se projeta en esprit. Il voulait se trouver à l’intérieur pendant sa chute dans le ciel. La bouche d’Oscar embrassa Oscar dedans la masse. Les bras d’Oscar se baissèrent, puis poussèrent vers le haut, de toutes leurs forces (et des forces, ils en avaient), projetant Oscar, le leste de cinq kilogrammes, au-dessus du visage d’Oscar, de sa bouche trop large étiré en un sourire béat, de ses petits yeux sous ses arcades épaisses et son front bombé…
Le leste s’éleva dans les airs, emmenant avec lui l’esprit d’Oscar qui toujours rêvait et voyageait, et traînant derrière lui la corde qui permettrait à Angèle de redescendre, oui, Angèle allait revenir, la vraie Angèle, et elle lui lirait une histoire… Mais pour le moment, Oscar se concentra sur le merveilleux voyage : Oscar tombait dans le ciel !
L’imposante masse noire s’éleva parfaitement droit, exactement au-dessus de la face hilare d’Oscar qui, toujours, poursuivait le bonheur avec l’énergie du désespoir dont était rempli le monde.
FIN
Charlie PLES.
L’intégralité de la série est à retrouver ici