Mystère dans le continent livresque

Mardi 21 juin 2022.
Journée ensoleillée.
Lecture de Sodome et Gomorrhe et Le requiem des innocents.

– Rangement de la bibliothèque, intrigues et questionnements :

En rangeant la bibliothèque de l’hôpital du Mans, les livres ont formé un microcosme de la bibliothèque de mon enfance : un mélange hétérogène d’ouvrages. Autant dans leurs formes que dans leur contenu. Les pages jaunies et l’odeur propre aux vieilles éditions s’opposent à la blancheur des plus récentes. Certains ont leur couverture et leur tranche ridées. Les autres possèdent encore une allure juvénile : soit parce qu’ils commencent leur vie, soit qu’ils l’ont passée sur une étagère. Allant de science-fiction au classique en passant par Albert Camus, j’y vois la diversité du continent livresque.

Mais une question me taraude : comment sont-ils arrivés jusqu’ici ?

En fouillant, les premières pages m’ont donné des indices clés mais qui n’ont que suscité davantage de questionnements.

Alain Olympie, 1976, Nay sur les trois livres de Camus.  Mes premières hypothèses étaient celles-ci. A. O. était féru de Camus et de ses valeurs. Je le voyais chauve avec une moustache portant toujours une chemise : un vieillard. Ou bien mort. Il aurait donné ses livres pour partager aux prochaines générations, pour proposer la rencontre avec la révolte contre l’absurde dans L’Etranger ou avec la beauté occitane dans Noces (suivi de l’Eté). Quelques recherches m’ont apprise qu’A.O. était bien chauve mais n’avait que soixante-trois ans. Déçu, une dimension mystique s’efface par sa vie… J’ai cependant vu dans ce personnage et les informations personnelles trouvées lors de mon enquête, le portrait de mon père : le goût pour la lecture d’essais et de bande-dessinée ; pour la musique et le rock, pour l’art. Mais mon père n’aurait pas abandonné ses Camus. Pourquoi les a-t-il laissés ? Pourquoi cela apparaît maintenant comme un abandon ? Dois-je le contacter ?

37, rue Chanzy, comité d’entreprise. Les bureaux de l’ancienne Banque de France du Mans ont légué une partie de leur bibliothèque poussiéreuse. C’est mon idée. Les classiques mis à disposition n’ayant jamais été ouverts ou finis encombraient. Ces monuments de la littérature ont quitté le leur pour nous offrir des piliers.

R LON A, bibliothèque municipale du Havre. Comme sa ville, la bibliothèque s’est déconstruite d’une brique de mille deux cents cinquante pages. Je crains qu’elle ne puisse aisément se reconstruire d’autant de mots ? Peut-être, il lui faudra aussi vingt ans. Un emprunt oublié, volé. Souvenir d’une autre vie, emporté dans des cartons. Une aventure de deux cents quarante kilomètres pour retrouver une autre vie d’errance sans propriétaire unique.
Est-ce par culpabilité qu’il a été remis dans un endroit où il serait traversé par plusieurs mains ?

Et si je laissais trace de mon passage d’un livre avec mes initiales ?

Emma DE WAELE.
Crédit photos : Armelle M.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *