Faut-il lire tout Racine ? Le dramaturge classique est un incontournable au lycée, et quiconque entreprend des études littéraires le recroisera forcément. Mais faut-il le réserver à un public d’étudiants ? Racine, c’est avant tout une œuvre, et si elle traverse aussi bien les siècles, c’est pour ses qualités intemporelles.
La poésie de Racine est identifiable dans son rythme et ses sonorités, ses vers coulent de source, et il est facile de se laisser emporter par le courant. Bien sûr, suivre le fil du récit et du raisonnement des personnages exige une certaine concentration ; mais c’est cette concentration qui rend possible l’appréciation de la langue racinienne. Lire Racine, c’est un effort, mais un effort qui paie !
Un peintre de la nature humaine
Et là où Racine est meilleur que Corneille c’est dans l’ambiguïté de ses personnages, Racine est un merveilleux peintre de la nature humaine. Il y a peu de vrais héros chez Racine. Tous sont soumis à des pulsions qu’ils essayent de concilier, entre pouvoir, désir et haine.
Prenons l’exemple d’Athalie, sa dernière pièce : Athalie est clairement l’antagoniste en tant que reine apôtre du culte de Baal face à Joas, l’héritier du trône de David. Cependant, elle se montre, non seulement capable d’empathie, mais même… d’esprit laïque ! Très fort pour l’époque !
Et du coup, on peut se demander si Racine, dont l’œuvre est courtisane, n’est pas, comme Molière, un critique dissimulé du dogme religieux de son temps. On décèle toujours chez lui, à travers les paroles de l’honneur, la sombre macération du pouvoir et de sa corruption.
Les plus belles tragédies de la littérature
On peut peut-être s’épargner tout de même ses dernières pièces aux sujets bibliques, et son unique comédie, Les Plaideurs, un registre où le grand dramaturge n’excelle pas. Mais Racine nous a délivré quelques-unes des plus belles tragédies de la littérature : Andromaque, Phèdre, Iphigénie, Mithridate… celles-ci, il n’est pas besoin d’être grand lecteur pour être emporté. Aimer Racine n’est pas un privilège d’intellectuel, c’est le fruit d’un travail ouvert à tous.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.