Si Emile Zola est retenu comme l’un des plus grands écrivains français, c’est principalement pour sa fresque romanesque les Rougon-Macquart, saga de vingt volumes retraçant l’histoire d’une famille sous le second empire, où se mêlent enquêtes journalistiques et sociales, destins tragiques, lyrisme et même fantastique. Un chef d’œuvre d’une richesse inépuisable.
Découvrez chacun des tomes de ce grand-œuvre à travers cette série de chroniques.
Publié en 1883, Au bonheur des dames est un des romans de Zola qu’on retient le plus, alors même que Denise, le personnage principal, n’est pas une Rougon-Macquart ! En revanche, on continue de suivre en parallèle le destin d’Octave Mouret, protagoniste du roman précédent, Pot-Bouille.
Denise Baudu, donc, arrive à Paris avec ses frères et s’installe chez son oncle, un commerçant de linges pour femmes dont les affaires sont au point mort depuis l’arrivée du magasin Au Bonheur des dames, tenu par Octave Mouret, devenu veuf de Mme Hédouin qu’il courtisait dans Pot-Bouille. Denise, par solidarité pour son oncle et pour le vieux Père Bourras, artisan dont la boutique résiste, cernée par le « Bonheur », refuse d’abord de porter intérêt au grand magasin. Mais la nécessité la conduit à y prendre un travail. Octave, coureur de jupons, veut la séduire, mais le refus de Denise le conduit à en tomber désespérément amoureux.
Zola décrit l’émergence de l’ultracapitalisme, de la profusion absurde de la marchandise
Zola a la réputation d’être prolixe en longues descriptions ; en général, cette réputation est infondée, mais dans ce roman, il est clair qu’il ne pouvait pas y échapper. L’écrivain décrit l’émergence de l’ultracapitalisme, de la profusion absurde de la marchandise, de la cupidité, qu’elle soit du côté d’Octave qui dérange l’ordre des rayons pour obliger les clientes à se perdre et à flâner, ou qu’elle soit du côté des clientes elles-mêmes, bourgeoises qui finissent par voler des articles, aliénée par la folle pulsion d’en obtenir toujours plus. Pendant que les petits commerces, eux, meurent un à un.
Si l’histoire d’amour entre Denise et Octave est assez désuète et peu crédible, il faut surtout voir dans Au Bonheur des dames le roman de la genèse de notre système économique actuel.
Texte et illustration : Charlie PLES.