Le procès de Kafka par Kafka

Le Procès est une des œuvres les plus célèbres de l’écrivain maudit Franz Kafka, qui, assailli par les doutes quant à son écriture, a fini par brûler une grande partie de ses manuscrits, dont une minorité a pu être sauvée par son ami Max Brod. Le Procès fait partie des rares romans achevés épargnés par le feu.

L’adjectif « kafkaïen » est généralement attribué à une situation absurde dont on ne parvient pas à se démêler, et dont on ne comprend ni les tenants ni les aboutissants. Il est probable que l’origine de cette antonomase provienne du Procès.

Un personnage nommé K. est un jour accusé et engrangé dans la procédure labyrinthique d’un étrange procès ; malgré tous ses efforts, K. ne parviendra jamais à connaître le motif de son accusation, ni son accusateur, ni même ses juges. Alors même qu’il se démène pour obtenir des informations et s’assurer la meilleur défense possible, il n’est que l’objet passif d’un processus dont tout lui échappe.

L’interprétation immédiate qui a été faite de ce roman est celle de l’absurdité de l’existence humaine vouée à une mort certaine et inévitable que la vie ne tente que longuement de différer. Cela est sans doute un peu facile ; de plus, cette interprétation a conduit à rapprocher Kafka de Beckett, lui-même interprété via le prisme obsédant de la vanité de l’existence humaine qui hantait l’Europe d’après-guerre. Or, quiconque lit Kafka et Beckett comprendra bien vite que ce rapprochement ne peut fonctionner qu’en façade.

Il est envisageable que K. ne soit pas l’allégorie d’un mortel parmi d’autres, et donc de tous les mortels, hébété par sa propre condition finie, mais plutôt la voix d’une œuvre qui ne cesse d’envisager son autodestruction. K. serait alors ou bien l’alter ego de l’auteur dont la mystérieuse autorité interne commande la perpétuelle réfutation et l’effacement de son travail, ou bien l’œuvre elle-même effacée par son créateur impuissant.

Kafka fait-il par là son propre procès d’écrivain ?

Texte et illustration : Charlie PLES.

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