Imaginez un monde où la loi fondamentale serait d’être heureux. Un tel monde est-il vraiment souhaitable ? C’est la question que se pose Huxley dans son Meilleur des mondes, une dystopie qu’on ne présente plus.
Être humain, est-ce être heureux ou être libre ?
A l’inverse d’autres romans du même genre comme 1984 de Georges Orwell, les personnages du Meilleur des mondes ne souffrent pas du régime totalitaire dans lequel ils vivent. Au contraire, les gens étant artificiellement créés par modification génétique, chacun naît en appartenant à une classe plus ou moins noble de la population et est heureux d’être ce qu’il est. Aucune souffrance morale, aucun sentiment d’injustice dans cet abominable système de castes. Les relations humaines sont simplifiées : chacun s’adresse à l’autre suivant sa classe sans se mélanger, tout le monde appartient à tout le monde, une drogue anti-émotions est distribuée afin d’éviter les troubles psychiques et ainsi de se concentrer sur le plaisir et le bonheur béat.
Par certains aspects, ce monde rappelle la République de Platon, où chacun, par nature, doit remplir une fonction propre à laquelle il peut atteindre la perfection de son existence : autrement dit, chacun reste à sa place pour être heureux. On retrouve aussi les prévisions du philosophe Tocqueville quant aux dérives des démocraties nouvelles qui mèneraient à une domination de l’État sur le peuple par la satisfaction de désirs qu’il crée en abondance. En bref, Tocqueville a prévu la société de consommation de nos jours, une société qui par de nombreux aspects ressemble au mode de vie des Alphas du Meilleur des mondes.
C’est toujours ce qu’il y a de plus effrayant dans une dystopie : sa proximité de plus en plus flagrante avec le monde moderne. Après avoir lu ce livre, l’enjeu de l’évolution de nos sociétés se pose à nous : être humain, est-ce être heureux ou être libre ?
Texte et illustration : Charlie PLES.