Sept ans après le premier tome paru en 2017, voici donc le second volet de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres (2024) d’Emil Ferris qui ne clôt pas le récit puisqu’un troisième tome, ainsi qu’un préquel, sont attendus. Ce sera sans doute, pour Emil Ferris, l’œuvre d’une vie.
La petite Karen est devenue une louve-garou adolescente, avec tout ce que ça implique : éveil de l’érotisme, premiers amours avec la jolie Shelley, tandis que son ami Franklin explore son identité et devient Françoise.
Karen avance péniblement dans son enquête sur la mort d’Angka, sa mystérieuse voisine rescapée de la Shoah. De nouveaux personnages font leur apparition dans l’équation, tandis que le grand frère Deeze se déploie davantage alors qu’il doit s’occuper seul de sa sœur tout en lui cachant sa double vie de gangster.
La finesse des milliers de traits agglomérés donne aux visages la consistance d’un tissu
Pas toujours facile à suivre et digressant beaucoup, la narration est assez chaotique, ce qui finalement colle pas mal avec le journal d’une ado très créative. Le style graphique est toujours aussi singulier et captivant, avec ses somptueux dessins au stylo. Emil Ferris travaille les nuances, la profondeur, les contrastes… La finesse des milliers de traits agglomérés donne aux visages la consistance d’un tissu. Et le point de vue vagabond de Karen permet des inventions graphiques qui s’aventurent du côté du réalisme magique, des monstres inspirés par les oeuvres d’art qu’elle contemple seule ou avec ses proches, qui nourrissent son cahier et sa pensée.
Il reste toujours beaucoup de questions à la fin de ce tome, le récit prend son temps
Mais à coup sûr, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres restera dans les mémoires comme un chef d’œuvre. D’abord parce que c’est une aventure graphique folle, mais aussi et surtout parce que c’est une œuvre qui parle des désaxés, des marginaux, des artistes, des rêveurs, des queers, des solitaires, des mélancoliques, des brisés, des clandestins, des travailleurs de la nuit, de tous les monstres. L’art et la vie auront toujours besoin des monstres.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.
Moi, ce que j’aime, c’est les monstres (tome 2), roman graphique d’Emil Ferris paru aux éditions Monsieur Toussaint Louverture. 2024. 416 pages.