L’Armée des ombres : entre littérature et cinéma

L’Armée des ombres est un roman de Joseph Kessel (1943), adapté au cinéma par Jean-Pierre Melville. L’oeuvre a pour sujet la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. 

Une oeuvre entre deux genres

Il s’agit comme l’indique le titre d’une histoire sombre et froide dans laquelle le lecteur suit Gerbier, un résistant. Au fil du récit, nous suivons son avancée et ses plans pour aider la résistance à l’emporter sur l’occupation allemande.

Le roman développe plusieurs aspects qui n’apparaissent pas dans l’adaptation cinématographique, ces « coupures » sont justement dues au changement de genre, on passe de la littérature au cinéma. Par exemple, les multiples changement d’identités et les scènes de tortures marquantes avec les nazis tombent aux oubliettes.
Mais ces choix se justifient par ce que propose Melville dans sa représentation de cette oeuvre. Le cinéaste met l’accent sur la reconstitution de ce qu’était réellement la vie sous l’occupation nazie : le fait de ne pouvoir parler à personne, pas même aux membres de sa propre famille ; l’atmosphère froide et sombre qui se dégage des différentes scènes. On parle d’ailleurs du « bleu-Melville » qui teinte l’ensemble de son film. 

Dans le roman, il s’agit d’une narration froide, les éléments sont décrits par le narrateur avec très peu d’empathie. Nous sommes à contre-courant de ce que l’on pourrait penser d’une oeuvre traitant de sujets aussi forts que celui-ci. Le film reprend le même type de narration, mais les images sont imposées au lecteurs, le travail d’imagination suggéré par l’esprit lors de la lecture disparaît. Le spectateur comble le vide d’empathie, par la sienne, quand ses yeux se confrontent à l’écran. 

Information à prendre en compte et qui explique en partie les différences entre le roman et son adaptation cinématographique : Kessel écrit alors qu’il se trouve lui-même sous l’occupation. Il s’agit d’une écriture à chaud comme on le dit, on peut alors penser qu’il s’auto-censure à certains moments pour pouvoir faire passer son message sans être pointé du doigt ou accusé. Pour Melville, c’est un tout autre contexte, puisque la Guerre est finie depuis maintenant presque ving-cinq ans. Le réalisateur a donc une certaine distance critique et peut se permettre plus de libertés que l’écrivain.

Ces deux œuvres, à lire puis à voir, permettent d’éclairer et d’approfondir la vision que l’on se fait de la Résistance française lors des périodes troubles de la Seconde Guerre mondiale. Une lecture dans laquelle on s’implique involontairement du fait de la narration rédigée dans un style clair et brut à la fois.

Texte et image : Clément BRAULT.

Image mise en avant : Photogramme de L’Armée des ombres de J-P Melville, 1969.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *