L’écrivaine allemande Christiane Gohl, célèbre pour sa trilogie du « Nuage blanc », publie sous le pseudonyme Sarah Lark le roman L’île aux mille sources en 2011. Elle y raconte les aventures de la jeune britannique Nora Reed qui quitte l’Angleterre pour la Jamaïque au XVIIIe siècle.
Une héroïne éprise d’ailleurs
Suite à un premier amour malheureux, Nora accepte d’épouser Elias Fortman, propriétaire d’une plantation en Jamaïque, pour satisfaire son besoin d’aventure. L’héroïne correspond au stéréotype de la jeune femme romantique et ingénue ; le caractère rêveur et naïf de Nora dans la première partie du roman annonce déjà le désenchantement qui l’attend. Dotée toutefois d’une grande vivacité d’esprit, d’une bonne éducation et du sens des affaires, elle s’aguerrit tout au long de ce roman d’apprentissage, et doit s’affirmer dans un système patriarcal qui ne laisse que peu de place pour sa soif de liberté.
Les travers de la haute société britannique
Le roman propose tout d’abord une plongée dans la société britannique du XVIIIe siècle, examinant les conflits d’intérêt entre l’aristocratie, la bourgeoisie et le peuple à travers le destin de personnages qui gravitent entre tous ces milieux pour tirer leur épingle du jeu et qui représentent de façon parfois caricaturale certains travers récurrents parmi les membres de la classe sociale à laquelle ils appartiennent. Le roman confronte l’extrême opulence de la haute société à l’extrême misère du petit peuple. C’est l’histoire d’amour contrarié entre Nora et Simon qui permet d’aborder la thématique de la mobilité sociale.
Les injustices de l’esclavage
Après avoir exploré les inégalités sociales en Angleterre, ce sont celles entre les planteurs et les esclaves noirs que le roman examine. Le lecteur est amené à découvrir le système des plantations jamaïcaines par l’entremise de l’héroïne, à travers des dialogues et descriptions dont le didactisme manque parfois de subtilité. Le rêve de la Jamaïque comme utopie exotique cède la place à la réalité de la société esclavagiste : l’île paradisiaque prend bientôt les couleurs de l’horreur de l’exploitation cruelle de l’homme par l’homme. C’est l’occasion pour le lecteur de plonger dans un épisode de l’histoire de la Jamaïque alors sous contrôle britannique en portraiturant la reine Nanny à la tête des Marrons, Noirs libres et rebelles.
Texte et illustrations : Alex ALIX.
Sarak Lark, L’île aux mille sources, 2011 (2019 pour la traduction française), édition Archipel, 540 pages.