La peste de Camus : un appel à la vigilance constante

On est tous au courant : la peste est une métaphore du nazisme (ou plus généralement du fascisme). Pourtant, à la lecture de La peste d’Albert Camus, cela n’est pas tout à fait évident. Ça l’était sans doute à la publication du livre en 1947, mais un lecteur contemporain qui s’y lance sans le savoir restera peut-être sur la touche. Alors de quoi parle vraiment la Peste ?

C’est ça qui est brillant. Le mal est insidieux, il ne se laisse pas connaître. Le lecteur croit d’abord que les malades symbolisent les gens qui sombrent dans l’idéologie fasciste, comme dans Rhinocéros de Ionesco. Mais très vite l’hypothèse ne tient plus la route, et lorsqu’on ghettoïse ou déporte les malades, on se dit qu’il faut en fait inverser les rôles, que les pestiférés sont les Juifs et que les personnes encore saines sont les aryens et la Gestapo. File ainsi la métaphore de la pensée eugéniste du nazisme. Mais cette hypothèse tombe vite à l’eau à son tour.

Une allégorie volontairement confuse

Albert Camus a élaboré une allégorie volontairement confuse, un reflet asymétrique. Ainsi, le mal se répand dans toutes les strates de la société, dans toutes les sphères de la pensée, sans plus de distinction possible entre persécutés et bourreaux parce que là n’est pas le sens de cette métaphore.

Ce que nous montre La Peste, c’est la facilité avec laquelle la maladie/l’idéologie s’insinue dans nos sociétés, nos rapports, nos représentations. On croit d’abord qu’il ne s’agit que de quelques rats vite éradiqués par le concierge. On renonce à quelques libertés petit à petit, on s’étonne sans virulence de certains discours choquants, de la perte du sens des mots, on s’insurge devant la télé, et puis, on passe à autre chose, on laisse couler, on oublie… Et lorsqu’on ouvre enfin la fenêtre, on constate que les rues sont vides, et l’atmosphère, pestilentielle.

À relire bien sûr aujourd’hui.

Texte et illustration : Charlie PLÈS.

La Peste, Albert Camus, Gallimard, Folio, 1972, 368 pages.

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