L’auteur martiniquais Patrick Chamoiseau fait paraître en 2017 un ouvrage : Frères migrants. Ce texte est une véritable diatribe des politiques migratoires dénuées de tout sentiment d’humanité. S’il dénonce l’indifférence de l’Europe vis-à-vis des tragédies qui se déroulent à ses portes, l’ouvrage est avant tout un cri du cœur appelant à l’empathie et au respect envers l’Autre.
La critique des politiques migratoires mortifères de l’Occident
Patrick Chamoiseau s’élève contre la logique mercantile qui régit le monde contemporain et aboutit au rejet de l’Autre, incarné par la figure emblématique du migrant. L’écrivain propose des images frappantes de tragédie. La Mer Méditerranée est choisie comme le théâtre de prédilection pour susciter de l’émotion auprès du lecteur : l’auteur y décrit ainsi les amas de corps décomposés que ballottent ses vagues. Par là-même, il montre que les horreurs de l’Histoire sont loin d’être du passé et que l’humanité n’a pas encore laissé derrière elle ses pratiques les plus violentes.
Contre l’intolérance, la Relation glissantienne
Patrick Chamoiseau invite ensuite à l’accueil, montrant toute la fécondité de ce phénomène pour les cultures et les communautés qui s’y adonnent. Il souligne le rôle majeur des migrants et des migrations dans la Relation, concept proposé par l’auteur martiniquais Édouard Glissant pour envisager un mode de rencontre respectueux des altérités et enrichissant pour les cultures ainsi mises en contact. Il fait appel à un autre de ses concepts, la Mondialité, qui surgit au cœur des pires affres de la mondialisation : elle est cet imprévu de sursaut de résistance humaine face à la déshumanisation.
Le rôle des artistes et des poètes
Face à l’urgence de la situation (des millions de morts aux frontières et des millions de migrants miséreux), Patrick Chamoiseau fait de l’art un médium privilégié pour prôner la tolérance et dénoncer l’injustice. Son ouvrage se conclut donc sur une « Déclaration des poètes », écrite en 2016. À travers seize articles, il appelle à la compassion envers autrui car « aucune douleur n’a de frontières » (Frères migrants, p. 131). Son texte s’achève sur une adresse, qui est aussi un hommage, aux migrants, pour leur redonner leur juste place dans un monde qui préfère les oublier.
Texte et photos : Alex ALIX.
Patrick Chamoiseau, Frères migrants, Seuil, 2017, 137 pages.