Faut-il écrire sur la guerre pour gagner un prix littéraire ?

Après l’autofiction, une nouvelle tendance dans la littérature française se dessine : la littérature historique. Les romanciers qui adoptent ce parti pris rencontrent un succès commercial et sont adoubés par les prix littéraires. Est-ce justifié ?

Alors que l’autofiction est souvent accusée de dérive narcissique, beaucoup de romanciers délaissent « l’écriture de soi » pour brosser des fresques historiques qui mettent en lumière les traumatismes du passé, comme la Première Guerre mondiale ou la Guerre d’Algérie. C’est le cas de Pierre Lemaître avec Au Revoir là-haut (Goncourt en 2013) et L’art de perdre d’Alice Zeniter (Goncourt des lycéens en 2017).

On peut toutefois se demander si ces œuvres ont décroché un prix davantage pour le vernis des sujets exploités que l’intérêt littéraire. Le roman séduit par sa structure narrative truffée de rebondissements mais déçoit à cause d’une écriture sans grand éclat. Autrefois auteur de romans policiers, Pierre Lemaître n’aurait-il pas eu l’envie d’être reconnu comme un écrivain accompli avec ce livre ?

Si L’art de perdre comporte quelques pages très poignantes sur le sort réservé aux harkis enfermés dans des camps par la France, le projet d’Alice Zeniter est aplati par un aspect purement didactique, comme si le lecteur recevait une leçon d’histoire. Cette volonté de saisir l’ensemble des enjeux de la Guerre d’Algérie est louable mais vient éteindre son talent littéraire.

L’autofiction regorge pourtant de voix puissantes qui ne se contentent pas de se regarder le nombril

Pour gagner des prix prestigieux, les auteurs doivent-ils se saisir de sujets lourds pour renvoyer l’ethos d’une littérature « sérieuse » avec un souci de véracité historique ? L’autofiction regorge pourtant de voix puissantes qui ne se contentent pas de se regarder le nombril mais qui mêlent l’intime au politique : l’acceptation de l’homosexualité chez Nina Bouraoui ou le drame de l’inceste sous la plume de Christine Angot.

Ismaël EL BOU – COTTEREAU.

Crédit photo : Reuters.

Au Revoir là-haut Pierre Lemaître, Livre de Poche, 624 pages.
L’art de perdre d’Alice Zeniter, J’ai lu, 608 pages.
Tous les hommes désirent naturellement savoir de Nina Bouraoui, Livre de poche, 240 pages.
Une semaine de vacances de Christine Angot, Livre de Poche, 130 pages.

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