Emma Cline : l’étoile montante de la littérature américaine

Révélée dès son premier roman en 2016, Emma Cline s’est imposée comme la jeune prodige de la littérature américaine. 

En 2016, le premier roman d’une jeune inconnue de 27 ans électrise la rentrée littéraire ; autant pour son sujet que pour ses conditions de publication. L’intrigue de The Girls retient en effet l’attention : le livre s’inspire de la secte de Charles Manson, responsable du meurtre de Sharon Tate, la femme de Roman Polanski, en 1969. Les éditeurs américains se sont battus pour obtenir la publication de ce récit. Les enchères sont montées à un rythme effréné si bien qu’Emma Cline a reçu un à-valoir de 2 millions de dollars en 2014, alors même qu’elle n’avait pas encore écrit le livre.

The Girls sort deux ans plus tard et ne déçoit pas. Remarquablement construit et naviguant entre deux temporalités, le roman s’intéresse beaucoup plus aux ressorts qui conduisent l’héroïne à se fondre dans ce groupuscule qui la fascine qu’aux détails glauques sur le meurtre. L’écriture précise et métaphorique d’Emma Cline parvient à rendre compte de l’atmosphère trouble et poisseuse de la « Manson family ».

Au milieu d’un concert de louanges au sein de la critique littéraire, certaines voix se sont toutefois élevées pour critiquer l’aspect trop lisse et parfait d’un livre qui chercherait à épater. Emma Cline incarnerait le cliché de ces auteurs biberonnés aux cours de « creative writing » – elle a suivi un programme d’écriture à l’université Columbia – qui produisent une uniformisation de la littérature contemporaine.

Ses autres textes publiés après The Girls confirment qu’elle n’est pas une comète éphémère de la scène littéraire. Avec le recueil de nouvelles Daddy et le court récit Harvey, l’écrivaine adopte une écriture sèche et tranchante. Elle ausculte des personnages mélancoliques avec en toile de fond une Amérique dans laquelle les rêves ou l’ordre familial ne sont que des tombeaux. En outre, Emma Cline saisit avec beaucoup d’acuité la psyché du mâle blanc houellebecquien. Dans Harvey, elle met en scène l’avatar d’Harvey Weinstein en plongeant le lecteur dans les pensées d’un violeur et d’un pervers libidineux, vivant encore dans l’illusion de sa domination sociale malgré sa médiocrité. Le succès d’Emma Cline est loin d’être de la poudre aux yeux mais bien la reconnaissance de son talent.

Ismaël EL BOU – COTTEREAU (texte et photos).
Crédit image mise en avant : Tracy Nguyen.

The Girls, disponible en poche, éditions 10/18, 360 pages.
Daddy, édition de la table ronde, 260 pages.
Harvey, édition de la table ronde, 110 pages.

 

 

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