La légende arthurienne et celle des chevaliers de la Table Ronde n’est pas un récit linéaire écrit d’une main, mais une multiplicité de versions, des mythes et des récits repris par des générations d’écrivains. Penchons-nous sur deux versions de l’histoire d’un de ses plus célèbres chevaliers : Perceval ou le Conte du Graal, et Perlesvaus ou le Haut livre du Graal.
Le premier texte, Perceval, signé par Chrétien de Troyes et inachevé, se concentre non seulement sur Perceval, mais aussi, dans une deuxième partie sur Gauvain. On y trouve tous les éléments du roman de chevalerie : l’aventure, le surnaturel (pas de monstres en revanche, seulement des fées à apparence humaines, ou des lieux magiques), les combats et tournois entre chevaliers, toujours remportés par le héros, les demoiselles en détresse…
Le Graal et la lance qui saigne
C’est aussi dans ce conte qu’apparaît la première mention du Graal et de la lance qui saigne : les deux reliques sont présentées à Perceval chez le Roi Pêcheur. Il commet l’erreur de ne pas demander : pourquoi la lance saigne-t-elle et à qui doit-on servir le liquide que contient le Graal ? Son silence prolonge ainsi la malédiction du royaume.
C’est cette intrigue qui sera au cœur du second texte, anonyme, le Haut livre du Graal. Arthur se lance à la recherche de Perlesvaus (Perceval) bientôt rejoint dans sa quête par Gauvain et Lancelot. Gauvain sera lui aussi témoin du Graal et de la lance, mais gardera également le silence.
Deux récits, deux dimensions
La malédiction causée par la sidération et le manque de curiosité intellectuelle détonne assez du ton global de ce Haut livre. Ce dernier prône à tout moment l’amour de son prochain de la Nouvelle Religion, alors que les héros décapitent tous les païens qui refusent de se convertir avec une intolérance systématique et radicale. Cette dimension propagandiste chrétienne n’est clairement pas aussi présente dans le texte de Chrétien de Troyes.
Lancelot est l’un des rares personnages qui trouve tout de même une certaine profondeur. L’amour courtois qu’il éprouve pour la reine est si impérieux qu’il refuse de s’absoudre de ce péché en renonçant à cet amour. Préférer au pardon de Dieu un amour non réciproque, voilà le plus beau courage illustré dans ce roman de chevalerie.
Texte et illustration : Charlie PLÈS.