La biographie et l’autobiographie sont des genres littéraires problématiques : elles prétendent à la vérité du récit d’une vie, mais cette vérité se confrontent aux aléas de la mémoire, de l’appréciation subjective et du mensonge. Charly Delwart tente de pallier à cette contradiction avec sa Databiographie.
Introduisant ses Confessions, Rousseau assure qu’il donnera l’image la plus fidèle de lui-même, avec toutes ses vertus et tous ses vices, et qu’ainsi il dessinera le portrait d’après lequel Dieu pourra le juger. Mais c’est là la grande problématique de l’autobiographie : comment dire exactement notre vécu ? Réponse : c’est impossible. Même si nous nous étions filmés et enregistrés toute notre vie, nous serions incapable d’écrire la réalité de notre vie, mais seulement le regard que nous y porterions.
Le problème est donc le suivant : comment échapper à notre propre regard dans le récit de notre propre vie ?
Charly Delwart répond : par la Databiographie. C’est-à-dire une autobiographie en données chiffrées. Les mathématiques, a contrario des lettres, peuvent prétendre à un discours de vérité, car les énoncés qu’elles produisent sont régis par des lois. Le chiffre est du côté du fait, là où la lettre est du côté de l’interprétation.
C’est donc une nouvelle forme qui repousse les limites de la littérature à quoi s’essaie Delwart, et qui apporte une réponse amusante et pertinente au problème majeur d’une des formes littéraires les plus récurrentes.
Cependant, l’œuvre de Delwart est bien évidemment ironique : car ces données et ces schémas relèvent là encore du choix d’un auteur qui souhaite donner une certaine représentation de sa vie. En feignant l’exigence de l’exactitude, l’écrivain belge ne fait que mettre en lumière l’impossibilité de l’entreprise autobiographique, en tout cas dans son rapport à la vérité. Vérité qui, passée, aussitôt s’efface, et que pas mêmes les chiffres ne peuvent fixer.
Texte et illustration : Charlie PLES.