Les œuvres romanesques d’Eric Chevillard sont souvent de l’ordre de la parodie, mais cet aspect découle d’une autre caractéristique, plus fondamentale, de l’écriture de Chevillard ; la métatextualité, ou la réflexion du texte par le texte. L’œuvre posthume de Thomas Pilaster (1999) en est un bel exemple, puisqu’il s’agit de raconter une histoire au travers de l’édition fictive du recueil d’un auteur tout aussi fictif.
L’objet qu’on tient dans les mains est un objet complexe ; la couverture affiche Eric Chevillard comme nom d’auteur. Le titre annonce plutôt un recueil de textes issus d’un certain Thomas Pilaster qu’on se croit inculte de ne pas connaître. Mais le livre est, juste en-dessous, catégorisé « roman ». La préface est signée Marc-Antoine Marson, qui se présente comme l’éditeur du recueil ; c’est également lui qui signe toutes les notices précédant chacun des sept textes de Pilaster, ainsi que la chronologie de ce dernier, qui clôt le livre.
En bref, ce livre est un faux livre, ou plus exactement, il est l’objet même de sa propre fiction élaborée par Eric Chevillard ; celle d’un éditeur qui a toute sa vie jalousé l’écrivain qu’il publie, tant en art qu’en amour. En effet, l’on apprend au fur et à mesure de notre lecture du recueil, via les notes en bas de pages de l’éditeur (Marson), que ce dernier a lui aussi rêvé de faire carrière par ses écrits, sans succès, et qu’il était amoureux fou de la femme de Pilaster, que ce dernier avait rencontré par son intermédiaire !
L’histoire pathétique d’un homme et qui a passé sa vie à servir son rival, mais vue par le prisme d’un pseudo travail éditorial, qui nous donne à voir le personnage de Marson comme un être bas et puéril, quoique non dénué d’un certain talent au sarcasme et à l’ironie hérité de son véritable auteur Eric Chevillard qui n’oublie pas d’ajouter à son drame de travers, une chute ambigüe…
Texte et illustration : Charlie PLES.