« Barracoon » : l’histoire du dernier convoi d’esclaves

Barracoon est la retranscription des échanges de l’année 1927 entre l’anthropologue Zora Neale Hurston et l’ancien esclave Cudjo Lewis, qui a vécu la traversée de l’océan en 1860 à bord du dernier bateau négrier, le Clotilda. Un témoignage d’exception.

Une publication tardive

Barracoon est le résultat d’un travail d’écriture à partir d’entretiens entre Zora Neale Hurston et Cudjo Lewis en 1927. L’anthropologue nord-américaine s’est efforcée dans cette œuvre de conserver à l’écrit, l’oralité du témoignage de Cudjo Lewis qu’elle a recueilli jour après jour. Parce qu’il retranscrit un parler vernaculaire plutôt que d’être rédigé en anglais classique, le manuscrit, achevé en 1831, est refusé par de nombreux éditeurs. C’est près de soixante ans après la mort de son auteure que ce document historique est enfin publié, en 2018.

Un récit atypique

Barracoon s’inscrit dans la tradition littéraire américaine des récits d’esclaves, des écrits retraçant le chemin vers la liberté d’esclaves noirs nord-américains et abordant l’expérience des esclaves depuis leur point de vue. Mais il s’en distingue sur plusieurs points. Rares sont les auteurs de récits d’esclaves qui sont nés en Afrique et ont vécu la traversée de l’océan Atlantique. Le récit de Cudjo Lewis exprime une poignante mélancolie au souvenir de son Afrique natale, une dimension absente des récits d’esclaves traditionnels qui, plutôt tournés vers l’avenir et le devenir, n’effectuent généralement pas ce retour vers les origines.

Un témoignage oral

Dans l’introduction, Zora Neale Hurston raconte le dernier voyage du Clotilda. Malgré l’abolition de la traite au début du XIXe siècle, ce bateau transporte en 1860 le dernier convoi de captifs africains, parmi lesquels Cudjo Lewis, ou Olualé Kossola. Ensuite vient le témoignage de Cudjo Lewis : son enfance en Afrique de l’Ouest, sa capture puis la traversée de l’océan à bord du Clotilda et le travail au service de Jim Meaher. Il traite également de l’obtention de la liberté avec la Guerre de Sécession, de la fondation d’African Town, et des discriminations persistantes à l’encontre des gens de couleur malgré l’abolition de l’esclavage. L’originalité de Barracoon réside dans la tentative d’effacement du discours de l’auteure pour laisser la place à celui de Cudjo Lewis, retranscrit au discours direct dans toute son oralité. Ainsi la voix des victimes de l’Histoire, passée sous silence, peut ici être entendue.

Texte et photos : Alex ALIX.

Zora Neale Hurston, Barracoon. L’histoire du dernier esclave américain, 2018 (2019 pour la traduction française). Editions JC Lattès, 245 pages.

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