André Gide et le nouveau roman

Les Faux-Monnayeurs (1925), le seul ouvrage de son œuvre qu’André Gide considère comme un roman, dissimule, sous ses abords de bildungsroman*, une réflexion profonde sur l’écriture.

            Le début du XXème siècle voit émerger de nouvelles formes romanesques, qui souhaitent se détacher de la conception balzacienne des œuvres du siècle précédent. Ainsi Gide écrivit-il un roman (le seul roman de son œuvre) des plus particuliers. Avec son début in medias res et sa fin sans dénouement, Gide offre aux lecteurs une tranche de vie de ses personnages, et non pas leur histoire complète, comme s’il avait sélectionné un peu au hasard un morceau de leur existence.

            Une autre grande originalité des Faux-Monnayeurs est la prolifération de ses protagonistes et de ses intrigues, tantôt parallèles, tantôt entremêlées, et on assiste à la rencontre de personnages qui, depuis leur intrigue propre, viennent bouleverser leur voisine. Gide a voulu transcrire dans son livre tous les aspects de la vie, en particulier ces débuts d’histoires qu’on surprend au coin d’une rue et dont on ne connaitra jamais la fin.

            Enfin, l’identité de cet ouvrage, c’est sans doute le personnage d’Edouard, alter ego inavoué de Gide et qui écrit lui-même, non seulement un roman nommé Les Faux-Monnayeurs, mais aussi, un journal dans lequel il note ses réflexions, ce que fait justement Gide pendant l’écriture de son roman (journal dont je tire d’ailleurs les intentions de Gide). Edouard, pivot de toutes les intrigues et vertigineuse mise en abyme, déambule dans le livre comme les yeux de l’auteur, des yeux qui ne lui obéiraient plus, pas plus que toutes ses créations :

            « Ce qui manque à chacun de mes héros, que j’ai taillés dans ma chair moi-même, c’est ce peu de bon sens qui me retient de pousser aussi loin qu’eux leurs folies. » (Journal des Faux-Monnayeurs).

Texte et illustration : Charlie PLÈS.

*Le roman d’apprentissage, appelé aussi roman de formation ou roman d’éducation, est un genre littéraire romanesque né en Allemagne au XVIIIᵉ siècle. Il s’oppose cependant à la fonction première du romanesque qui est de transporter dans un monde de rêve et d’évasion.

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