Publié en 2017, le roman Alma est l’occasion pour l’auteur J.-M.G. Le Clézio d’explorer à nouveau l’histoire et la culture mauriciennes dont sa famille est originaire. L’un des deux protagonistes de l’œuvre de fiction, Jérémie, se rend pour la première fois de sa vie à l’Île Maurice dont son père est originaire.
Destruction des champs de canne et disparition de la forêt
Alma aborde la thématique du basculement du monde dans la modernité industrielle. On retrouve dans le roman la nostalgie de ces temps anciens où la nature et la vie règnent encore. Cette thématique est récurrente dans les œuvres de Le Clézio. Les espaces naturels et les solidarités humaines disparaissent peu à peu pour laisser place à une société urbaine consumériste que l’être humain sert. Dans le roman, c’est le personnage de Krystal, une jeune fille de seize ans victime du tourisme sexuel (pratiqué par les Européens de passage à l’île Maurice), qui en est la personnification.
Une plongée dans une période tragique de l’histoire de l’île Maurice
Le roman de Le Clézio est également teinté d’une grande douleur : celle des peuples réduits en esclavage et déportés depuis l’Afrique dans le contexte de la traite négrière. Le récit alterne en effet entre deux récits à la première personne : celui de Jérémie et celui de Dodo, tous deux descendants de la famille blanche des Felson, esclavagistes mauriciens. Jérémie souhaite retrouver la trace du dodo (un oiseau peuplant autrefois l’île Maurice mais disparu depuis trois cents ans) et retracer l’évolution de l’île depuis son origine géologique. Il découvre ce qu’il reste de ce passé douloureux, en visitant les lieux qui en témoignent mais aussi en parlant avec les habitants qui en portent la mémoire.
La mise en avant de la culture mauricienne
Ces récits déploient à de nombreuses reprises la poétique des noms chère à Le Clézio. Celui-ci donne d’ailleurs la parole à de nombreux personnages, faisant ainsi entendre les voix des marginalisés. L’auteur propose également de faire connaître l’ histoire de ces derniers que les perspectives dominantes européanocentrées tendent à éclipser. Il laisse notamment la langue créole mauricienne envahir le texte. L’ouvrage se fait alors espace pour la parole des Mauriciens à travers les dialogues autant qu’à travers la narration.
Texte, photos et illustration : Alex ALIX
J.-M.G. Le Clézio, Alma (2017), Gallimard, 2021, 368 pages (format Poche).